Bernard Deglet, Dabek se précipite, Color Gang, 2012.

Beaucoup d’humour, de drôlerie, de poésie surtout, dans les situations cocasses où Dabek, notre anti-héros, se précipite, sous les auspices de René Fallet et de son Triporteur.

On est prévenu dès la définition placée en exergue : « un précipité, c’est le dépôt  qui se forme au fond d’un récipient lorsque se produit la séparation entre un corps et le liquide où il était dissous ».

Une fois l’opération chimique lancée, Dabek  se met en chemin, plonge dans les situations qui se présentent à lui et observe ce qui se passe ; il décrit ce qu’il advient de lui, ses rencontres,  ses pensées dans de petites miniatures décalées.

Ecarts temporels, plongées dans le réel qui très vite devient poreux à l’imaginaire et on se retrouve sens dessus-dessous. On se surprend à craindre comme Dabek que Bambi traverse la route dans la descente à vélo du col des Limouches, on s’assoit avec les vieux, sur le banc de l’arrêt de bus qui n’en est pas un, respirant avec Dabek les fleurs « le temps qu’il faut ».

C’est toujours « en biais », l’air de rien, que se produit ce léger glissement vers une indicible poésie :

« Il y a un instant c’était l’heure bleue. Puis une mésange. Puis les mésanges. Puis les sangliers et autres bêtes de la nuit ont chanté/se sont enfoncés dans la futaie. Puis les collines doucement dans l’aube chaude se sont levées. Puis derrière elles, là-bas, où personne n’est jamais vraiment allé- c’est-à-dire : pas lui- viendra la lumière. Profitons-en se dit Dabek, tout à l’heure on verra les détails de tout ça. Ses roues chuintent, il roule dans la nuit vers cet endroit là-bas où personne n’est jamais vraiment allé, c’est-à-dire :il y va. La route par endroits est là à coup sûr heureusement, il voit à peine ses roues, le vent posé partout ne s’est pas encore levé, il y va. » (p.69).

Belle métaphore aussi du travail d’écriture  que nous livre ici Bernard Deglet : le poème n’est-il pas ce « précipité » qui peut advenir quand, comme Dabek, on se risque « dans la nuit vers cet endroit là-bas où personne n’est jamais vraiment allé. » ?

Chantal Ravel, novembre 2017