Textes de Chantal Ravel

Extraits de : à peine un chant/Jacques André éditeur/2016

 

 

Troisième variation

 

Au chant de l’alouette, je veille, je dors,

J’écoute l’alouette et puis je m’endors

 

S’approcher et lentement

de soi                  d’une stupéfaction grande

ouverte sur cette présence

là              et si léger

vol d’alouette       notre semblable

désir

 

*

 

On est retenu                    en suspens juste

un peu avant que ça se brise

mais donné           au plus près de l’équilibre

quelque chose d’infiniment

infiniment              beau

 

*

 

Traverser l’entaille du silence

la torpeur huileuse des sentiments

ne pas se perdre ne pas fuir

l’exclamation

 

oh !oh !oh !

 

Si fragile passage de l’oiseau      si

tremblante vibration d’onde pure

 

ultime épreuve

 

*

 

Je veille, je dors, j’écoute l’alouette

 

la retient encore

au bout des yeux

qui réveille le matin clair

 

ne se brûle pas les ailes

aux mirages tendus

sur le fil des nuages

 

nous délivre de la nuit

appelle l’allégresse

 

*

 

Elle s’avance vers

l’élan vertical du chant

s’approche de la lumière

au Prie-Dieu du ciel

 

et l’enfant du chiffre trois

de la trinité tranquille

 

s’en va par les chemins

pour consoler la terre

Texte de Claude Vercey

Goléador

   

Je rôde où je règne: dans la surface qui demeure

 

mon jardin (ce fut écrit) à l’affût je menace: les coups

que l’on joue à fond sont rares, affaires de flair

 

mais je pèse autour du point des seize mètres je tourne

comme autour de son piquet la mule dont je possède la

 

frappe (aussi ce fut écrit) je donne le change on

m’observe je trottine en paraissant courir je ne

m’épuiserai pas en courses vaines mais je démarre

 

pour faire peur dans l’espoir qu’il m’accroche

et je m’effondre aussitôt méchamment le nez dans

le gazon j’aime qu’il ait confiance en lui qu’il

 

me dédaigne les chiens à qui l’on confie ma garde

courent de plus en plus vite jonglent frappent les deux

pieds des athlètes qui me bousculent je prends

 

le temps de me relever je râle il suffirait

qu’il vaguement prenne pitié sur trois foulées

un drible un crochet le cuir il ne le reverra plus

 

en attendant je touche mes protège-tibia j’a-

baisse les chaussettes sur les mollets tétanisés il

finira par se lasser  c’est mon pari je m’essouffle

 

mais comme personne je maîtrise le temps je connais

la patience l’humilité de l’obscur artisan et zone

à la limite du hors-jeu où en douce vous me poussez

 

je serai là encore pourtant au coup de sifflet: aurai

la force de lever les bras avec les jeunots de l’équipe

de chanter comme un homme sous la douche.