Née à Lyon en 1970, Carole Dailly vit à Saint-Etienne, elle est l’auteure de poèmes et de nouvelles. Exerçant un métier alimentaire à mi-temps, elle consacre tout ce qu’il en reste à l’écriture mais aussi au dessin, au théâtre, et à la sieste.
A la croisée de l’intime et du multiple, ses poèmes parlent surtout de la vie intérieure, celle de l’esprit – sain ou pas -, et du cœur, de ses aspirations, de sa sensibilité au monde (naturel et urbain) et à l’Autre.
Une écriture plutôt épurée et suggestive, qui ne recherche ni le discours ni la rime mais le fond, son rythme, ses images, son énergie.
En somme, une écriture pour être (un peu plus) vivant et passer (un peu moins) à côté de la vie (quoique ?), multiple et offerte. De sa réalité première et de l’Autre.
Une écriture avec les moyens du bord, pour répondre à l’urgence quotidienne.
Dans ses nouvelles, en particulier, on retrouve des gens dits « ordinaires », souvent fortement liés à la nature. On les découvre dans la rencontre ou dans l’épreuve, où surgissent les ressources (ou pas), inespérées et généreuses, un peu comme la poésie.
Aux détresses sans réponse, la riposte du cœur vaillant bien décidé à ne pas se laisser faire, tant bien que mal. Et de puiser dans l’abondance des beautés de traverse … D’une vie en soi qui l’emporte sur toute forme de compression du personnel.
Bibliographie
-« A hauteur de l’ange« , éditions Le Réalgar, 2017, prix Charles Péguy de la SPF (Société des poètes français)
– « Entre chien et loup », livre d’artiste avec Violetta Compain et Stéphane Guillandon, exemplaire unique à la Médiathèque de la Ricamarie, 2017
– « Les heures traversés », livre-portfolio avec aquarelles de l’auteure, exemplaire unique à la Médiathèque de la Ricamarie, 2017
-« Toute affaire cessante« , éditions Marie-Louise Cartel, 2016, micro tirage épuisé.
-« Brute, pas pure« , poèmes éditions Le Réalgar, 2015
-« Le poids de la brindille« , nouvelles et récits, éditions Chemin de Traverse 2014
-« Héritage des silences« , poèmes (éditions Manoirante 2010, réédition en 2015 par Le Réalgar), lauréat des prix de poésie francophone Amélie Murat de la ville de Clermont-Ferrand et du prix J-M Heredia de la Société des poètes français 2012.
-Depuis 2007, parution régulière de textes en revues, dont Verso.
Textes de Carole Daily :
1
Comètes vous êtes,
Comète je suis
Nos trajectoires parfois se croisent
Tracent un jeu de lumières
Un dessin qui danse,
L’aura d’une rencontre,
Un instant suspendu
2
Brumes
Fantômes d’enfance
Brume blanche relevée comme un voile
Le bruissement de la forêt au matin
Comme des faons, des enfances passent
Dans leur sillage, le souvenir du premier mot
Pleine lueur
Aveugle un instant et puis le partage des larmes
La nuit et ses étoiles, sa livrée d’infini, de profondeur,
Les étoiles, des fleurs sauvages pour la Mère !
-Mère-Nature-
Des douces et multiples,
Des éclats féeriques,
Et plus loin dans les galaxies
Des effusions d’embruns aux peintures du large
De l’espace, de l’amour,
Et tous qui deviennent
Le vent léger dans le dos
Extrait de à hauteur de l’ange, éditions le Réalgar, 2017 (prix Péguy 2018)
1
Des nuits dépouillées
Des candeurs défaites
Des rêves incertains
Elancées abstraites
Musique fugitive
Dans mon âme souffle
Un geste se déroule
Oiseau esquissé
Une danse passe
Le chant se répercute
Nuit dépouillée
2
Visages sans nombre
Vous revenez parfois
Vous presser aux remparts du mutisme
Vos yeux bruissants,
Saisis, frôlés
Cortège silencieux
Amours avortés
Vos bouches effacées
Vos lèvres dépossédées
Cortège silencieux
Vos yeux tournés vers moi
Vous revenez parfois
Vos yeux levés vers moi
Bruissants
Vos sourcils joints, enchaînés
Vos regards à eux seuls toute votre histoire
Extrait de héritage des silences, Lauréat des prix Amelie Murat 2012 et J-M de Heredia de la Société des Poètes Français 2012, éditions Manoirante 2010, réédition 2015 par les éditions le Réalgar.
1
Me souviens d’une terre brûlée
Les pulsations du désir
Me souviens d’une terre brûlée
Odorante, généreuse, puissante,
Enfants intenses, avides, intacts
Terre intense
Me souviens
Les pulsations battantes du désir
Joueur
Délivré
Heureux
Triomphant
Terre ardente feu de joie les nuits étincelantes
Tout ce qu’il y avait
Tout ce qui durait
Tout ce qui était
Enfants intenses, avides, intacts
La pulsation
Partout l’âme, le corps, la force d’être,
L’éternité vibrante, le rire, la voix
Me souviens d’une terre brûlée
2
It*
J’avais de quoi vous aimer.
Je l’avais, je vous dis.
Je l’avais et je vous le donnais, aussi prodigue qu’il m’avait été conféré
Il avait la fraîcheur de l’eau d’air et de roche
Leur force et leur douceur,
Il en avait la profondeur présente toujours, et toujours arcane,
Et son murmure aussi il l’avait, celui, rieur,
De la légèreté qui porte les pollens et le froufrou des libellules,
Les reflets et la lumière à la surface de la belle
Je l’avais, je vous dis
Et il me portait. Moi aussi il me portait ! Comme le vent les pollens, c’est ça !
Je crois bien qu’il m’avait fait pour, même
Peut-être pas que,
Mais
Mais si, je crois.
Je vous le donnais. Quoi d’autre ? ! C’était joie
C’était espace et le proche aussi
Le plus proche qui soit,
J’ignorais encore que l’offrande pourrait être silence.
Pas celui qui accueille et recueille, non : le silence de l’absence.
Absence de vous.
L’has never been.
Il était là, il était venu pour nous, tout partout, il suffisait d’ouvrir pour qu’il entre
Mais il n’a pas été vu. Pas vu, pas pris.
Alors est apparu un autre silence, quelque chose comme l’arrêt brusque du vent
Et je suis tombé
Je vais tomber encore – car je sais maintenant, maintenant que je sais –
Quoi d’autre ? ! Qu’importe ! Pomme que je suis, comme bonne pomme on dit sans savoir si bien dire
Oui, bonne pomme, cerise, noix, citron, poire !
Ce qui est porté tombe et donne, tombe même sans personne pour recueillir
Je l‘avais je vous dis,
Autant dire : Il m’a
Et c’est tout sauf l’aliénation
*Dans « Sur la route », Jack Kerouac désigne ainsi le meilleur des improvisations de musiciens écoutés dans un club de jazz .
C’est l’instant de grâce, la capacité au meilleur de sa sensibilité, à sa plus belle et vraie pulsation de vie, à son déploiement musical dans le don d’elle-même, porté par une énergie de transcendance harmonieuse et intense.
« …et alors il se hausse jusqu’à son destin et c’est à ce niveau qu’il doit souffler. Tout à coup, il part au milieu du chorus, il ferre le it; tout le monde sursaute et comprend; on écoute; il le repique et s’en empare. Le temps s’arrête. Il remplit le vide de l’espace avec la substance de nos vies, avec des confessions jaillies de son ventre tendu, des pensées qui lui reviennent, et des resucées de ce qu’il a soufflé jadis. Il faut qu’il souffle à travers les clés, allant et revenant, explorant de toute âme avec tant d’infinie sensibilité la mélodie que chacun sait que ce n’est pas la mélodie qui compte mais le it en question … »
Extrait de brute, pas pure, 2015, éditions le Réalgar.