Quel passionnant livre d’Alain Wexler que ce dernier qui ouvre une voie bien nouvelle dans la poésie aux antipodes de la poésie orale. Elle se veut poésie du savoir et de la recherche, poésie de la référence, exégétique des mots et/ou des choses. La recherche de sens et de non sens se fait tous azimut, vers le bas, vers le haut, vers les côtés, en avant et devant, dans l’intérieur même des choses, ou des mots, dans les confins de pensée, et dans les confins des sons, bref c’est un labeur, l’ai-je entendu le soupirer, que de viser ou de haler dans tous les sens.
Les mots et les choses écrivait Perec, Oulipo n’est pas bien loin, il est vrai avec la volonté de faire le plein de pensée et de perceptions autour d’un même objet pour ne pas dire concept ou bouquet de sèmes. Tout étant pris dans une polysémie de la langue dans sa structure aussi bien charnelle que théorique. Il s’agit pour Alain Wexler d’organiser la rencontre entre le mot, la chose et le gigantesque réservoir d’images et de coïncidences, de hasards. Cela produit un ensemble multiforme qui se développe sous un seul terme (la terre, l’oiseau, les amants, la lime, mais aussi le train de nuit par exemple). La préface de Louis Dubost est remarquable d’intelligence et de compréhension de la démarche de l’auteur. Louis Dubost évoque une combinatoire jubilatoire. C’est exactement le sentiment que peut laisser ce livre qui offre peu à peu une forme de lucidité des mots, biens banals, venus des choses, tout aussi banales. C’est une œuvre de poésie des fondements que nous propose Alain Wexler, que d’aller fouiller opiniâtrement dans ce fouillis que font monde et langue dans notre vie et d’en extraire une sorte de condensé pur, un calcul granité, pourrait-il écrire.
Ainsi pour donner goût : Les toits / Les toits se couvrent d’ongles./Faits d’ongles, non. Les ongles/font le toit comme un oiseau/son nid, tressé de brindilles. On perçoit bien ici le mélange des images et des évocations, ongles couvrent comme tuiles qui font toit aux doigts, le toit étant un nid d’ongles, bref, laissons le texte dire lui-même avec ses usages de sons le merveilleux travail du poète.
Georges Chich