Bras ouverts
Allonge-toi dans mon sommeil
Etends ta peine sur la mienne
Demain sera un jour nouveau
Le sang de tes mots ruisselle
Partage tes consonnes à mes voyelles
De tes mots épris de soleil
Ta terre a sa noblesse sauvage
Un récif sur ton îlot effeuillé
Tes bras comme des nacelles
Pour recueillir mes désirs
Qui dans tes mains me tiennent
Comme le frisson d’avenir
Quelle part puis-je te donner
Moi qui te porte
Avec mes bras d’aveugle
Vers cette éternité
*
Traversé par une lumière
le marcheur aveuglé
demeure
sur les berges inassouvies
Veilleur immobile
oublie ton visage !
le sourire est l’habit
de tes fenêtres
Te murer dans le silence
pour ne point voir grimacer
ces monstres sacrés
*
A Manissa
Toi la Kabyle
Du pays où les larmes
fleurissent
Partage cette langue
frères des deux rives
Le dialogue qui sépare
ne choisit pas l’orage
c’est d’impuissance
que nous sommes complices
Les yeux bleus
Lavent tout l’or
de nos serments
de nos tempêtes
La voix des mots rongés
insaisissable avenir
comme chemins
à l’intérieur de nous même
Parler d’une seule main
Et reconstruire les mots
pour dire liberté
*
les pleurs auréolent
les mains tendues
sur le drap des douleurs
Le miroir reflète
une vieille chapelle
Un corps se ruine
comme on se penche
sur le labeur
Un cri de fierté
traverse les soupirs
Les larmes sont à l’intérieur
de la blessure
et la pierre
les recueille
sur le mouchoir qui sèche
Tiré de Les Epices de L’esprit, Cosmogone.
Tu as arraché cette épine clouée dans la moelle de ton cœur.
Quand la bave des armes ne projetait pas son venin
sur la froide langue d’amour.
Et le mauvais vin servi par la tristesse n’avait pas encore envahi le cœur noir des mots.
Même couché quand l’eau monte à la gorge.
Vers le soir comme un miroir brisé.
Alors que tu semais avec tes doigts d’aveugle le grain d’amour.
Assis au bord de tous ces regards, tu aimes à croire le monde simple.
Alors que de ce monde simpliste, tu mesures le compliqué des regards.
*
La poulie du temps
descend
grinçant
dans le puits
incertain
de la vie
*
Et le temps rouille !
Et passe le mouvement des jours
sur l’immobilité du temps.
*
Germination du silence
Oui, tu as pris le bateau des soupirs.
Oh ! terre !
les heures ont été des jours
partir comme mourir
la valise de vie encore vide.
Et tu as laissé tant de choses derrière toi.
De ce pays lointain
les baisers ont une autre musique
dans l’abime qui te rongeait
Tu marches là-bas dans l’inconnu
La chape noire de soleil
et les pieds qui n’adhérent pas à la terre.
Ne t’attarde pas dans l’ornière,
Tes songes en ont encore la couleur
D’un habit militaire qui t’enserre et te broie
Peux-tu écrire ce passé ?
Un nœud coule dans le trou noir
De tes pensées
*
Le fleuve assoupi de tes veines
écoule sa vie comme le goutte à goutte.
En attente de sensation, le trou du temps perdu,
de gestes inaccomplis, interrompus sur le seuil.
La lumière n’a plus d’importance.
Errance dans le dénuement
habiter son propre lieu
est toujours un ailleurs
une absence d’origine.
Un autre lieu sépare l’homme de ses racines,
vivre et mourir en son rocher d’exil.
Une éloquence de deuil.
Tiré de Main d’amour et de haine, Cosmogone.
*
La ville
J’aime la ville sans horizon
le visage tatoué d’illusion
jetant des regards
sur ces fruits de soleil
le corps que l’on frôle
la jambe nue qui te devance
la nudité du corps
sous la robe
Les filles s’offrent
mouvements d’abandon
les chaises reçoivent
le déshabillé
parade pour le désir
d’une rue qui te traverse
de part en part
*
L’ivresse
La ville, n’est que la mathématique
d’un pré tiré à quatre épingles
L’ordre des rues
s’aligne en rangées morales
et le nom te rappelle
le glorieux ancêtre
Jouisseur numérique entends-tu ?
la danse pathétique
sur le béton d’ivresse ?
Une scie de débauche
torturée d’extase
façonne tendrement
une musique d’avidité
Malgré tout on s’y cramponne,
les yeux fixés sur l’horizon
*
Le vernis
Ville de rumeurs
Un projecteur désosse
Les liens et les plaies.
Tout brille !
Tu arpentes la ville
Au milieu des visages,
Des rumeurs, et d’éternels tumultes
Le décor lisse la boue des rues
Et un peu de miel flotte
Dans les eaux violentes.
D’où sors-tu
ville tourmentée ?
La pluie fleurie précède
Le ciel larmoyant.
Tiré de L’irraisonnable sens, Cosmogone.