rencontre 18 novembre 2025

Avec les poètes Marie-Paule Richard et Michel Dunand

La rencontre a lieu à 19h salle du Caveau à Oullins, accès par le 7 rue Parmentier

Emanuel Campo

Emanuel Campo


Poète, auteur, interprète
Directeur artistique de la compagnie Étrange Playground.
etrangleplayground@gmail.com
www.ecampo.fr


Emanuel Campo, né en 1983, est un poète franco-suédois, édité aux éditions la Boucherie littéraire et aux éditions Gros Textes. Il habite à Lyon depuis 2007. Ses textes, oscillant entre humour décalé et nostalgie, saillies scandées et collages de phrases, portent une parole incarnée dans un quotidien. À la fois auteur et interprète, il est issu d’une génération de poètes qui s’est très vite emparée de la scène. D’abord artiste spoken word, il pratique depuis toujours le texte en musique. Il joue depuis 2021 un duo « Poète & Batteur » avec le batteur Éric Pifeteau. Il crée ses spectacles et porte des projets collaboratifs au sein de la compagnie Étrange Playground qu’il fonde en 2011. Il a été membre de projets musicaux comme PapierBruit (duo à Lyon, plusieurs EP depuis 2013). Il a performé ses textes en musique, en solo, en collectif sur de nombreuses scènes (Grand Palais à Paris, Marché Gare, Périscope à Lyon, Les Abattoirs à Bourgoin-Jallieu, Théâtre de la Renaissance à Oullins, Lieu Unique à Nantes, Comédie de Valence, Théâtre Dijon-Bourgogne, Nuits du Slam, Maison Rousseau Littérature à Genève…) et a collaboré à la création d’une dizaine de spectacles avec Marion Chobert (Cie la Multiple), Éric Massé (Cie des Lumas), Paul Wamo, Compagnie Abysses, etc…
Son site : https://www.ecampo.fr/

Bibliographie :

Livres publiés POÉSIE
Ligne de défense, éditions la Boucherie littéraire, 2021.
Faut bien manger, éditions la Boucherie littéraire, 2019.
Puis tu googlas le sens du vent pour savoir d’où il venait, éditions Gros Textes, 2018.
Maison. Poésies domestiques, édition revue et augmentée, éditions la Boucherie littéraire, 2016, 2019.
Maison. Poésies domestiques, éditions la Boucherie littéraire, 2015, 2016. Epuisé.
Anthologies et ouvrages collectifs POÉSIE
– 15 – Service d’Aide aux Mots Universels, anthologie constituée par A.Lefauconnier & B. Doucey, éditions Bruno Doucey, 2025.
Filles bouchères & Garçons bouchers, anthologie des 10 ans des éditions, éd. La Boucherie littéraire, 2024.
Grâce… Livre des heures poétiques, anthologie constituée par T. Renard et B. Doucey, éditions Bruno Doucey, 2024.
Incarner, 30 poèmes pour dire le corps, anthologie du Serveur Vocal Poétique, éditions la Chouette imprévue, 2024.
Montagnes, chemins d’écritures, anthologie constituée par J-P Chambon, éd. Voix d’encre, 2023.
Le Désir de la lettre, anthologie constituée par D. Sampiero, Coédition MusVerre / Bernard Chauveau Édition, 2021.
Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée – Anthologie Sète 2019, éditions Bruno Doucey, 2019.
Tempêtes dans un verre d’eau, collection Impasse de la source, Trois petites truites éditions, 2019.
Perrin Langda & Compagnie, éd. mgv2>publishing, 2015.
L’insurrection poétique, éd. Corps Puce, 2015.
Charlibre : le poème du jour d’après, éd. Corps Puce, 2015.
Emprunts d’écrits, éd. La Passe du vent, 2010.
Publications en revues papier
– Ouste n°31 (2023), Gustave Junior n°4 2022, Centre de création pour l’enfance de Tinqueux, Gare Maritime 2022, Maison de la poésie de Nantes, 21 minutes n°3, 2022, Revue Gros Textes n°46, 2019, TESTE – véhicule poétique n°31, juin 2018, La Terrasse n°3, juin 2018, DeZopilant n°27 (2018), n°19 et n°17 (2014), n°13 (2012), n°11 (2012), Va!, numéro prune, mai 2018, Centre de création pour l’enfance de Tinqueux, Revue Métèque n°5 (2017), n°7 (2018), Basse_déf n°2, octobre 2016, collectif Bêta, Bacchanales n°53 (2015) et n°57 (2017), Maison de la Poésie Rhône-Alpes, Microbe n°80 (2013), n°82 (2014), n°96 (2016), N4728 n°21 (2012), Némésis plusieurs numéros de 2005 à 2011, revue de poésie à Dijon.
Publications en revues numériques
– Pointbreak.fr, 2020. Lire, Revue Méninge n°2 (2015), n°19 (2020), Terre à ciel, octobre 2017. Lire, Realpoetik n°6, juillet 2016. Lire, Cohues n°16 (2015), 17secondes n°3 (2013), n°4 (2014), n°6 (2015), n°8 (2016), Ce qui reste, 29/09/2014. Lire.
Écriture et direction de recueils participatifs (hors commerce)
(en codirection artistique et coréalisation avec Marion Chobert, metteuse en scène, une série de recueils conçus et édités hors commerce dans le cadre de projets artistiques participatifs menés avec de publics spécifiques.)
Un équilibre délicat à trouver, co-écrit avec des adolescents et des parents sur la relation Parent/Ado, édité par la compagnie La Multiple, Dijon, 2024.
Guide poétique des Grésilles, co-écrit par les habitants du quartier des Grésilles à Dijon, édité par l’association De Bas Etages, Dijon, 2024.
Pas là pour fondre, co-écrit avec des adolescents incarcérés à la Maison d’Arrêt de Dijon, édité par la compagnie La Multiple, Dijon, 2022.
Trouver ses mots, co-écrit avec des adolescents isolés, en souffrance psychique, ou en grande difficulté scolaire, édité par la Mnoterie, Dijon, 2022.
Quartier mineursl’écho des cellotes, une pièce co-écrite avec des adolescents incarcérés à la Maison d’Arrêt de Dijon, mise en page et impression par Maud Leroy, éditions du Bon Pied, édité par la compagnie La Multiple, Dijon, 2020.
Tête-à-tête, co-écrit avec des adolescents incarcérés à la Maison d’Arrêt de Dijon, mise en page et impression par Maud Leroy, éditions du Bon Pied, édité par la compagnie La Multiple, Dijon, 2020.

Textes :

Se déchausser
Chez moi on se déchausse.
Le réparateur ne s’est pas déchaussé.
Depuis, mes pieds me brûlent.
C’est gênant.
L’impression d’y laisser des miettes. Je nettoie derrière moi. Je brique.
Brique.
La musique provoque un truc chimique. Faudrait concevoir un lieu pour les papillons.
Un silence dépasse d’un bout de bois.
Il est 15h30 et dans certaines régions du monde, le soleil se couche. Les gens allument des lumières aux
fenêtres.
Les gens allument des lumières aux fenêtres.
Les gens des lumières aux fenêtres.
Les gens s’allument aux fenêtres.
Les gens des fenêtres.
Les gens aux fenêtres.
Les gens fenêtres.
Le g Fnêtres.
Fnêtres.
N’être.
Des mèches.
J’aime la clarté de la chose froide. Une maison s’ouvre. Des véhicules se garent. T’y pourras jamais rien.
C’est un beau final.
**
Le dernier jour des arbres
C’est le dernier jour des arbres
nous escortent jusqu’à l’aéroport
entaille le sol depuis le ciel
tombe des flocons au départ
12h20 check-in 11h50 max
de bruit à l’embarquement nous sommes
plusieurs ce jour à venir-quitter
les personnes qu’on aime pour notre vie
est parfois ailleurs que dans les origines
sont mystérieuses et choisies.
C’est le dernier jour des arbres
nous escortent jusqu’à l’aéroport
est une plaie ouverte
sur laquelle les gens s’amassent
pour s’embrasser il faut
des bras des, jambes des, bouches des, têtes des
ventres pondent des fils et des filles, les
fils et les filles des aéroports déambulent
sur des tapis roulants escortés par les boutiques
de luxe et duty-free from desire passe à la radio.
C’est le dernier jour des arbres
nous escortent jusqu’à l’aéroport
entaille le sol depuis le ciel
tombent des flocons au départ
12h20 check-in 11h50 max
de bruit à l’embarquement nous sommes
plusieurs ce jour à quitter-venir
parfois de près on se ressemble
comme deux routes depuis
la dernière fois on s’était dit à
bientôt on se retrouvera
chez toi chez moi on verra quand
est-ce qu’on arrive à l’endroit
d’un voyage il reste le prochain.
**
CINQ FOIQ CINQ VINGT-CINQ (extrait)
Juste là-haut quand on
écoute les vis du temps
serrer plus fort les planches
on entend le son d’
un génial tour de manège
l’espace apparu on plante
des meubles pour habiter là
nous habitons ici à la
recherche des violons du cosmos
cosmos musical est le mot
précis on cherche les bonnes
définitions les contours réels du
lâcher pour que ça glisse
genre savon et mousse genre
kermesse gentille qu’on finisse
heureux d’être ceci cela
sans préméditation heureux de ça
et respirerons dans les cendres
assimilons les molécules des morts
qu’ils vivent en musique
nous bougeons dans le recyclage
et vibrons dans des chansons
tristes joyeuses douteuses ou butées
tout n’est que beatmaking
pistes superposées d’extraordinaires outils

Michel Dunand

Michel Dunand

Michel Dunand est né le 24 juillet 1951, à Annecy, où il réside et où il a fondé une « Maison de la Poésie ». C’est un lieu de consultation, d’expositions, d’écoute (poésie, chansons, conférences, musique contemporaine…), de rencontres.

Il anime la revue « Coup de Soleil » (poésie & art), depuis 1984.

Récitant très actif. Grand voyageur et collectionneur d’art.

Parrainage de l’émission « Poésie en Pays de Savoie », sur radio Semnoz (91 numéros, à ce jour).

Il a travaillé avec des musiciens de tous bords, des compositeurs, des chœurs.

Michel Dunand a publié 17 recueils de poèmes. Une centaine de livres et travaux d’artistes ont vu le jour, ainsi qu’un CD.

Certains de ses poèmes ont été traduits dans une quinzaine de langues. Trois de ses ouvrages ont été traduits en arabe par Azouz Jemli, et publiés à Tunis.

En 2023, il a rejoint l’équipe d’animation du Festival « Voix Vives », à Sète.

Michel Dunand est également président de l’association « Ceux de Rawa-Ruska et leurs descendants » (section Savoie-Dauphiné). Rawa-Ruska fut un sinistre camp de représailles en Ukraine (Stalag 325). Son père y a été incarcéré durant la Seconde Guerre mondiale.

****

BIBIOGRAPHIE

Dernières nouvelles de la nuit. Le Petit Véhicule. 1989. Encre de Jacques de Féline.

Péril en l’ocre jaune. La Bartavelle. 1993.

Un éternel présent (CD). Musique originale : Pierre Coppier, Bernard Donzel-Gargand. 2011.

Dernières nouvelles de la nuit et autres poèmes (1980-1993). Peintures : Marc Limousin. Le Petit Véhicule. 2019.

UN AVANT-GOÛT DU VENT :

1, Ailleurs, toujours, est au soleil, suivi de Roi sans arpent.Préface de Jacques Ancet. Encres : Yves Mairot. L’Harmattan. 2003.

2, Hors piste, suivi de Trois amours, aucun. Préface de Jean Joubert. Bois gravés : Jean-Bernard Butin. L’Harmattan. 2008.

3, Sacre. Jacques André Editeur. 2010.

4, Tout est dit. Editinter. 2010.

5, Mourir d’aller. Jacques André Editeur. 2012.

6, Tunis ou Tunis. Version bilingue : arabe et français. Berg éditions, Tunis. 2012.

7, J’ai jardiné les plus beaux volcans. Po&psy Erès. 2014.

8, Les toits du cœur. Jacques André Editeur. Postface de Didier Pobel. 2015.

9, Miels. Editions Henry. 2016.

10, Au fil du labyrinthe ensoleillé. Jacques André Editeur. 2018.

11, Mes orients. Jacques André Editeur. Postface de Jean-Paul Gavard-Perret. 2020.

12, Rawa-Ruska, le Camp de la soif. Voix d’encre. 2021.

13, Rien de plus. Ed. Livres du monde. 2022.

14, Un pont, des fleuves. Jacques André éditeur. 2023. Postface de Jacques André.

Textes de Michel Dunand

Tant d’oiseaux.

Sans parler de l’air

qui pèse moins lourd

que le poids

de son nom.

Sans parler de l’or,

lorsque l’air

est en fleur.

Et la propre vie

qui toujours,

par malheur,

te ressemble.

***

La poésie qui venait de la pluie,

la petite, crottée,

trouée,

nue,

la sans collier,

elle la mouche avec la mousse

de ses mains,

elle la marche

et vous la valse entre deux vagues.

Tourne,

retourne,

la cuiller de sa langue.

Elle endort.

In : « Dernières nouvelles de la nuit et autres poèmes ». Le Petit Véhicule. 2019.

************

                       Un mage étrange,

en vérité !

L’étoile était

couleur charbon.

Roi sans arpent,

il cheminait,

les paumes vides,

en plein désert.

Les yeux fixés

sur le papier,

les animaux

se lamentaient.

Dieu seul savait

si le poème

verrait le jour.

***

A marcher tout le jour

sur les flots, vendangeant

chaque averse ou calmant

le mistral, on oublie

qui l’on est.

                    On oublie

que le sol est de l’eau,

le nageur harassé

que l’on fut. On prendrait

les noyés pour des bars.

In :« Ailleurs, toujours, est au soleil ». L’Harmattan, 2003.

************

Un masque est un pays comme un autre. On peut le visiter. J’ai voyagé pendant plusieurs jours dans un grand peigne assez bizarre avec des dents rouges. Il représentait, dans sa partie supérieure, un couple impassible en bois noir, assis sur un petit trône. Un jeune enfant, couché sur les genoux de la femme et de son mari, tétait un sein lourd de légende.

Masque ashanti (Ghana). Village artisanal, Abidjan

.

***

Tchad.

Cameroun.

Nigéria.

Niger.

On ne sait pas qui est qui. Poissons. Poissons humains multicolores. Ils se sont tous retrouvés là, le temps d’un grand marché, dans un filet commun.

Le spectacle est total, idyllique.

Abolition des frontières…

On achète.

On vend.

Poignées de main.

Saluts.

On parle.

On parle.

Rendez-vous sur le lac Tchad. Koffia. 26/12/06.

In : « Hors Piste ». L’Harmattan, 2008.

************

Tu crois

que le tronc

te tient.

Mais non,

le porteur,

le pilier,

c’est l’oiseau,

là-haut,

tout là_haut,

dans le ciel.

C’est son chant.

C’est la branche,

avec le vert,

l’or.

Que de bleu !

La main

de Dieu,

sans doute.

***

Viens ce soir

Viens beauté

Le plaisir

nous attend

sous la boue

de l’étang

Ce poisson

redoutable

est un gros

carnivore

On l’attrape

à la main

sans un mot

sans un bruit

Viens ce soir

Viens beauté

***

Avoir faim pour avoir faim.

Avoir soif pour avoir soif.

Il y a un désert dans le mot désir.

J’ai décidé de l’explorer.

J’ai décidé de l’habiter.

***

Je viens du cœur.

J’ai bien connu l’amour, autrefois. Je n’en sortais jamais, je ne sortais jamais de ce pays, et d’ailleurs, ce pays n’avait pas de frontières. Il ne les tolérait pas.

Un océan sans horizons, voilà ce dont je parle, et d’où je viens.

J’aimais un corps. Un corps, avant tout. Un corps, rien que cela. Mais tellement, tellement plus que cela.

J’ai bien connu le soleil. Je le revois souvent. Le cœur est partout.

Immense et partout.

In : « Sacre ». Jacques André Editeur. 2010.

************

Ne pas penser.

Quel don !

Je veux aimer.

Rien d’autre.

Brûler.

Rien d’autre.

Je suis entré en religion, très tôt, bien avant de voir le jour.

La nuit brillait comme un soleil.

On naît poète. Il faut s’y faire.

***

J’ai changé de peau.

J’ai changé de bras.

Pluie du matin,

sensuelle,

inespérée,

je te reçois comme un baiser. La nuit joue les prolongations.

Je suis vivant.

Nuit d’amour,

tu règneras.

In : « Tout est dit ». Editinter, 2010.

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Pour Azouz Jemli

Le feu couve.

Un combat mystérieux s’engage.

Un tank fait les cent pas,

face à la mer.

Sans un battement de cœur.

Sans un mouvement de cil.

L’œil étincelle.

On se regroupe.

On murmure.

On parle

à mots couverts.

Sois rassuré, poète.

On ne confisquera

jamais le langage.

Il poursuivra sa route.

Il soulèvera

le béton.

                        Le plomb.

Tunis. Couvre-feu. 12/01/11 Révolution du jasmin.

***

Le mot désert

Est un mirage

A lui tout seul.

Douz

In : « Tunis ou Tunis ». Berg Edition, Tunis. 2012.

************

Vieux roi

Donnez-moi trois clous,

trois bons clous

pour m’asseoir.

Je suis fatigué.

Je suis épuisé

de chanter,

de crier,

de danser du soir au matin.

J’ai soif,

Mais autrement.

Ne plus tourner

comme un malade

autour de soi.

***

Je suis un collectionneur.

Un fou du temps.

Il n’y a que les instants, les beaux instants qui m’intéressent. Ils me fascinent.

Ils sont si précieux,

si rares.

On y voit le monde.

On y voit le ciel.

In : « Mourir d’aller ». Jacques André Editeur, 2012.

************

Maison des Frank, étroite, haute,

Intemporelle.

Assez valise, en fait.

On l’emporte avec soi, la famille au grand complet, pour ne pas partir.

Ne rien oublier.

Ne rien perdre.

Amsterdam, Maison des Frank.

*

Des étoiles,

on voit la maison.

***

Un pot, trop petit pour la soif.

On reconnaît bien là Van Gogh.

Mur nu, d’un ocre un peu sale, un peu gras.

Vivacité des fleurs, des feuilles.

On voit des iris, la tête en bas.

Le beau va jusqu’à lécher la table.

Oui, c’est lui.

C’est Vincent.

« Iris sur fond jaune ». Saint Rémy, 1890. In : « Miels ». Editions Henry, 2016.

************

Le bouquet s’élève.

Il se dilate.

Il jure avec la misère, avec la tristesse, avec la mort.

Il chante.

Il brûle.

Il voit.

Il prie.

Tous les bouquets sont des autoportraits.

Séraphine embaume. On écoute un chant d’amour, lorsqu’on voit sa peinture.

Un nom la résume.

Un seul nom.

Le sien. 

Séraphine Louis. Senlis.     

***

Des éléphants,

Des lions,

des rhinocéros,

des dragons…

Je reçois peu, dit l’aiguille. Il est vrai que le porche est si petit.

Conversion de Paul. Damas. In : « J’ai jardiné les plus beaux volcans ». Po&psy Erès, 2014.

************

Ecarts

Je revois souvent ma copie de voyageur.

La poésie consiste à sortir des rails, des chemins, des sentiers, des tracés ; pas à les suivre aveuglément, jusqu’au bout du monde, ou non. Je cherche à me ressembler. Je cultive aussi le caillou, le ravin.

***

Bon début de journée.

Je pose enfin mon sac.

Je me pose enfin.

Le soleil peut se lever.

Bonheur et leçon.

Je n’attendais plus,

lassé de marcher,

de vouloir.

Or, ce matin, les mots sont là, sur le seuil de ma demeure, à l’orée du potager vert de joie.

Notre errance amoureuse

a pris fin.

In : « Au fil du labyrinthe ensoleillé ». Jacques André Editeur, 2018.

************

Coup de fil

Nouveau rappel à l’ordre.

Au bout du fil, un vent

de sable et des troupeaux.

***

Le désert

est parfois

mon prochain

nous parlons

le silence

un langage

intérieur

un dialecte

inouï

Le désert

m’a donné

sa tendresse

une oreille

infinie

quel soleil

en secret

nous unit

pour la vie

In : « Mes orients ». Jacques André Editeur, 2020.

************

Apprentissages

Être un oiseau se mérite.

Il faut beaucoup de courage.

Il faut beaucoup de patience.

On n’y parvient que lentement.

*

J’ai du mal à l’épingler.

Mon poème a tendance à s’envoler dès la naissance.

***

Allumer l’instant.

Ses yeux.

Ses grands yeux.

Ses beaux yeux,

si chers.

Rêver,

c’est l’heure.

*

Mon œuvre est un collier.

Mais on peut la porter

comme un bracelet.

Comme un cœur.

Comme on veut.

In : « Rawa-Ruska, le Camp de la soif ». Voix d’encre, 2021.

************

Raymond-la-liberté

Mon père aura très peu lu, durant sa longue existence. Un bouquin, toutefois, n’aura pas quitté le chevet de son lit, durant plus de vingt ans. « Le caporal épinglé », de Jaques Perret, 1947. En format poche. Il l’a lu, puis relu, miette après miette.

On voit sur la couverture usée de cet ouvrage un soldat s’enfuir comme un lapin. C’est un prisonnier de guerre. On voit des barbelés, les cisailles. Une ouverture a été crée dans le grillage. On voit la liberté. « Le caporal épinglé », ce n’est pas seulement Jacques Perret, c’est Raymond, mon père. Le roman raconte aussi, plus ou moins, son histoire. Un grand pan de sa vie, plutôt. La captivité, dans les années 40. Les stalags, le sinistre camp de Rawa-Ruska, un camp de représailles, en Ukraine, et ses kommandos. Les évasions (5), le retour définitif enfin, après pas mal de déplacements.

Lire, ou le plaisir infini de s’identifier à. Pour ma part, j’ai dévoré des monceaux, des montagnes de romans.

In : « Rien de plus ». Editions Livres du Monde, 2022.

***********

L’Ukraine au corps

Il visait aussi mon jardin,

ce tir d’artillerie,

n’explosant

qu’en apparence

à tant et tant de kilomètres.

Il visait aussi ma fenêtre.

Il visait aussi mon cœur.

*

J’arbore un rouge inconnu,

du jaune et du bleu.

J’arbore une Ukraine

                               en sang

L’embrasement. 24/02/22.

                            ***

C’est un rêve. Il me poursuit, jour et nuit.

Je vois Marioupol en habits pimpants. Je vois la ville en jaune, en rouge, en vert, en bleu. Les couleurs de Sonia Delaunay, l’enfant du pays. Tons purs, joyeux. La paix règne et la liberté triomphe à nouveau.

La guerre a déclaré forfait.

Fatiguée.

*

Quels résistants,

ces arbres…

In : « Un pont, des fleuves ». Jacques André Editeur, 2022.

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Un coup de pied

dans une étoile

et tout s’effondre.

Et l’avenir ?

a-t-il encore

un avenir ?

Deux alexandrins,

sagement pliés

dans un vieux buffet.

***

Pavie. Je vais

de Rome en Rome.

en nuageant.

***

Sucre ou sable, ou sel ?

Qu’ajouter au monde ?

Un grain, mais lequel ?

Inédits