foule -loup-y-es-tu-où-vas-tu- houle
de nous la foule de toi de moi défoule
et déboule en tour de roue déroule
de cycle en boucle cool-s’écoule-le temps
et tourne ta planète sa boule que ton pas foule
*
chacun de tes pas dans l’humus soulève des réminiscences d’autres passages,
ici réactivés à l’improviste, au contour d’un vallon recomposant le paysage
en suspensions de parcours anciens et de conversations intermittentes :
ne pas s’exaspérer à les convoquer là, ne pas se crisper à les trier sur place,
ne pas acharner sa mémoire en son présent ; laisser, dans l’humus des châtaigniers
se reconstituer les images et ses pas s’inscrire aujourd’hui encore et pour on ne sait quand
mais alors marcher en silence et hors nos commentaires déambulatoires
à prétendre refaire le monde !
le monde à refaire ou à laisser se faire
marchant et méditant, cheminant ou s’égarant parfois en ses balises
ici simplement empruntant cette sente où le temps te confie un instant de son éternité
c.An..19.10.98
*
en son ombre désormais confondu
feuillage conjoint à la pelouse
gît l’arbre déraciné
et sa motte de terre à bout de tronc levé
s’immobilise en sa semence inversée
où s’épuise la sève
mais vibre en ses branches encore
comme un chant de veille ce souffle
où s’en va la vie
décembre 1999 parc Oullins
*
à bâtonner l’arbre nous récolterons les prunes,
yeux levés vers l’inaccessible grappe piétinant sur le pré le fruit épanoui,
nous les amasserons
de nos mains serrées sur le sac de plastique récupéré
où nous les laisserons pourrir,
et les branches nous serons verges battant l’ennui de nos gestes perdus
et les racines que nous ignorons saigneront de nos déchirures,
en ce jardin public,
si la rumeur nous reproche le saccage
s’épargnant à soi-même l’héritage
où tant de générations asservies
par tant de saisons conditionnées
ont désappris le fruit où reconnaître notre soif .
*
lundi 17 janvier à midi
ça, elle ne me l’a encore jamais fait
ce son émis me ferait croire qu’il y a là
là un souffle d’émotion ;
jusque-là je ne prêtais pas attention
à ces émissions crissantes et brèves qui
se répètent à chaque repas et accompagnent
mes gestes l’effleurant ou la claquant ;
et là, c’est autre chose de plus surprenant
comme un son qui se répercuterait en vibrations internes
et pourrait s’interpréter comme un soupir de bien-être
si ce n’était la porte de mon réfrigérateur.
*
lequel, de l’arbre ou de la roche ,
a retenu l’autre en la pente
où s’engage ce peu de terre
pour la graine et son fruit,
enlacement de racines et de rocs
ce conifère tel qu’il m’advient,
aussi noué à la pierre qu’il soutient
et par tant de tempêtes ajouré,
est-ce là demeure où s’enracine l’attente,
serait-ce essor que le vertige égare,
entre ciel et terre
ce qui hésiterait
ni appel ni réponse
cela peut-être qui m’interroge ?
c.A… 1982.
*
l’AdVertance
à l’angle de la place où s’est porté mon pas
sur le pas de ta porte mon regard s’est posé
est-ce par inadvertance
au passage qu’importe
est-ce là
pas-de-porte ou porte-parole
faire-part
de riposte en post-scriptum
imposture
en réciproque quiproquo
*
parfois gravissant seule une pente
un écho me fait marquer l’arrêt
-voici-qu’il-vient-à-moi-j’entends-le-pas-de-mon-bien-aimé-
ce n’est que moi qui viens à moi
au tempo de mon cœur haletant
*
autrefois je voyais,
par-delà la cheminée le ciel
et qui semblait me toucher ;
aujourd’hui je vois
le ciel et la cheminée.
Transversales 93
*
c’est l‘amour que j’espérais porter
c’est l’espérance que je croyais vivre,
mais le temps n’est pas venu
s’en est allée l’inspiration,
de versets en déconvenues
s’est renversée mon intention,
d’ amertume s’est enrouée ma gorge
en son vertige s’engloutit mon désir ,
il m’en reste … un soupir
si la vie n’est pas ce que je croyais espérer
si mon cœur n’est plus ce que j’espérais croire
cependant,
acharnement du verbe à mes lèvres
et trace du doigt sur le miroir embué
pour permanence en ma solitude le sel
et le silence en imprégnation d’incertitude,
une permanence
en incertitude
à me rendre
univer sel lement vôtre
*
passe et repasse en souvenance comme fer à repassage
autant de fois effaçant les faux plis et incessant toutefois
mais d’autre temps peut-être …
à entretenir ses fers au feu à se maintenir agile poignet
en vigilance ainsi ordonnait-on sa mémoire ?
c.A.. toussaint 2006
*
Accident
Rêve parmi les rêves
Etres parmi les êtres
Seul – -le perdu, l’abandonné
De qui naissait l’espoir de l’avenir
A rêvé, a parlé, a ri
Lui aussi
Il a été un rêve – Il a été un rêve
En quel parfum
En quel souffle
En quel furtif et tiède passage de la brise
Sur quel geste renoncé
De quel sourire de ses yeux
Renaîtra son essence ?
Avril 1983
*
mais comment tient-on debout sur la terre qui est une boule ?
entre autres interrogations celle-ci posée à l’âge où l’enfance en induit et déduit de si complexes
et son père, de lever à bout de bras un ballon qu’il fait tourner sous la lampe et
d’expliquer que si une fourmi était posée sur le ballon elle n’en serait pas pour autant
perturbée en son équilibre : et nous pas plus que petites fourmis dans l’immensité planétaire !
va pour la fourmi mais encore une question pour l’eau des océans et des fleuves
qui ne se renverse pas alors que dans son verre………… ?
*
La boule de machis-bouillis tourne en sa bouche, et combien d’efforts encore pour vider son assiette ; l’appétit manque plus encore que le courage pour ces premiers moments d’internat en lycée, dans la nostalgie de l’éloignement familial et l’angoisse d’enfermement qui oppresse là de tous côtés et plus austère alors ce réfectoire en soubassement de rue avec ses soupiraux en haut de mur enclos de barreaux répliquant à l’autre établissement en face que l’on sait être un hôpital pour aliénés. Entre les tables de dix élèves, conduisant son chariot l’employée de service s’impatiente et secoue l’élève devant son assiette qui tarde à se désemplir ; mais comment répondre la bouche pleine pour expliquer que toute sa bonne volonté s’emploie à cela sans résultat, et quel outrage interprété là par l’adulte qui va aussitôt porter sa coléreuse indignation au bureau de direction… ?
Dans son bureau, Madame la directrice du lycée est embarrassée de sa sanction moralisante reprochant à l’élève de sixième son irrespect des grandes personnes et son impolitesse verbale, lorsque le fillette répond à l’accusation avec l’énergie de l’innocence : -non je n’ai jamais dit un vilain mot, non, maman me l’interdit ! –
*
serait-ce la bicyclette qui trahit la fillette
le guidon qui l’écartèle, l’ourlet frôlant la roue
si dérive sa course dans le gravier du virage,
mais à chaque essai réitéré, anticipant la chute
où culbute le vélo et se soulève la poussière
sur le gazon où volette le jupon l’on se relève
l’exercice prend fin quand grand’mère intervient, et duo de mains l’une dans l’autre,
vélo retenu de ferme poignet et volant relevé sur genou saignant, l’on s’en retourne).
cA. été 1999
*
comme la châtaigne à l’automne se fend
comme un semis s’abandonne au vent
comme fruit mûr s’étonne et se tend détaché au passant
comme feuillure pardonne et se rend éparse aux jonchées
comme on n’est plus d’avoir été
qu’un peu de «cendre parfumée«*
quelqu’essor pour un autre été
ainsi pour moi est-ce comme
miettes de ma vie éparpillée dans le temps
spasmes de mon cœur éclaté dans l’amour
au delà-de-moi
d’aujourd’hui et d’outre-temps
aux cycles des saisons
de semailles en moissons
entre errances et séjours
me réconcilier
c.A…63
*
parfois gravissant seule une pente
un écho me fait marquer l’arrêt
-voici-qu’il-vient-à-moi-j’entends-le-pas-de-mon-bien-aimé-
ce n’est que moi qui viens à moi
au tempo de mon cœur haletant
et qu’il me reste à suivre
en ce suspens panoramique
à la mesure du paysage extrapolé
et l’immesure de mon ordinaire course
là, ce point d’orgue d’où
reprendre mon pas contrapuntique
entre vertige en l’œil à s’outrepasser
et rappel du pied rythmant le retour
claudiane Andruétan c.A.. 98
*
couturière
quand,
mettrai-je fin à mes jours
songea la dentellière-
-reprenant au matin son ouvrage de la veille
et le temps d’une boucle nouée sur le fil d’un point arrière
s’applique en son geste un revers à point d’ajours
jours de fête à points festonnés
et points de croix sur jours fériés
œillet reprise au point du jour
d’un jour à l’autre ourlet rivière
à l’entre-deux points de repères
aux plis de l’âge entrelacés
et de fil en aiguille à faufiler le présent
le temps d’une vie entre ses doigts à points déliés
s’agirait-il de faire le point dans un mouchoir ajouré
oublierait-on d’ouvrir un nœud dans une mémoire
de dentellière
*
l’autre soir, le soleil s’est tourné vers le fleuve,
sait-on le secret de l’un à l’autre reflété…
et moi, sur le pont, à l’entredeux, qui traversais,
j’ai vu l’astre s’épancher en la Saône
et le fleuve en sa boucle englober le feu….
entre eux, seule, avec mon doute, moi j’hésitais,
soir de décembre où lumière et oubli célèbrent leur rencontre
mais soi, sur le pont en travers du temps ce soir, à redouter son ombre !
c.A.. Lyon 29.12.1986
*
que faisais-tu
l’autre dimanche
de tes pas comptés
défiant l’équilibre
à perdre cœur
acrobate ou dément
hors la rampe du pont
invectivant le fleuve
de ta vie méprisée
à exaspérer la mort
et sur toi le vent
on ne sait d’où venu
où te mène t-il
aujourd’hui…………. ?
c.An.. 1986
*
incandescent ce soir, l’automne
me rappelle qu’il n’est plus temps
d’exaspérer l’attente d’espérer l’inaccompli,
insolent l’automne me fait savoir
que l’avenir est dépassé
comme le passé n’a pas été
instamment l’automne me convie
en effusion de ses feuilles
au silence de ses racines
ainsi soit-il l’automne ce soir qui m’est présent
14.11.1991, paru dans Laudes 153
*
le temps a délaissé l’attente
mais l’attente ne s’est pas lassée du temps
s’est pourtant demandé l’attente
pour quoi faire ou qui attendre,
autant de vent que n’ose le temps
au présent où s’érode l’attente
il s’est passé tant de temps à attendre
il en reste tant d’attente dépossédée
et la question toujours posée
pour quel temps autant d’attente …
et le programmateur de répondre
///// formulez votre demande //// sur des données conformes///////au programme //informatique// // //
*
au désert de ma vie
si vous intervenez
laissez
se composer l’espace,
se déplacer le sable,
s’effacer les pas,
laissez faire
si vous ne savez que dire
si vous ne pouvez pas faire
laissez taire,
laissez se traverser l’absence
du sable dispersé le vent cristallise le secret que restitue le temps
de l’écho répercuté le silence essore la promesse que porte l’attente
laissez au présent ce qui est
c.A.. 83
*
de vive voix, ce que nous avons cru nous dire
le cœur à vif, cela en nos silences partagé
de quel contretemps s’est offensée notre rencontre
en quel dialogue aurions-nous pu la sauver
de pas en émois chemins parcourus et impasses imprévues
d’eau et de vent reconnaissance évaporée de communication
*
bonheur saisonnier, on le retrouvait là,
oublié des gradins avec ses quelques prunes
abandonnées au sol ou offertes à qui passe,
mais peut-être était-ce accès interdit
alors justement concédé à modeste récolte
à savourer sur place en cet instant
accordé à son ombre et à ses fruits
cA (insolite dans le théâtre romain, on l’a retiré du site !), paru dans Verso 126
*
plus je vais et moins je sais
plus j’ai vécu et moins je deviens
qu’est-ce à dire
de ma vie à circonvenir
que reste à vivre
qui n’ait été dit
le temps d’apprendre le souffle pour consentir
si humblement présent l’infini
*
Tous ces textes ont été lus lors d’une lecture hommage à la Galerie Mandon rue Vaubecour à Lyon le 16 janvier 2014.