Pascal Commère est né en 1951 dans un village de Côte d’Or. Il a 6 ans lorsque son père, jockey de province, se tue à l’entraînement. Premiers poèmes à l’âge de dix onze ans. Puis bientôt tiraillé entre l’amour des chevaux et celui de cet « autre chose » qu’il croit être la poésie. Un temps apprenti-jockey. Déception. Les chevaux tant aimés resteront dans les livres. On le dirige alors vers le métier des chiffres dont il découvre la rigueur, qui n’est pas sans faire penser à celle que réclame l’écriture du poème. Sa vie désormais s’inscrira entre ces deux pôles, au point de les faire se côtoyer au quotidien. Au début des années quatre-vingt il se réinstalle dans son village, ce qui ne l’empêche pas de temps à autre de porter ses pas et son regard ailleurs : Laponie, Grèce, Europe de l’Est, Islande, Mongolie, Anatolie, etc. De retour dans ses terres, il retrouve son travail d’attaché à un cabinet d’expertise comptable, visitant inlassablement paysans, viticulteurs et artisans ruraux. Parallèlement, il se rend dans les classes et les bibliothèques où on l’invite régulièrement. L’alternance des situations et des savoirs le stimule. La parution des Commis, en 1981, son premier vrai livre de poèmes, lui vaut de faire la connaissance d’André Frénaud, son voisin à la campagne. Rencontre décisive, comme l’a été auparavant celle de Thierry Bouchard auprès de qui il découvre la typographie et ce qu’est un livre d’artiste. Il en fera un certain nombre, nouant de solides amitiés avec des peintres et des graveurs. Proche de maintes revues, il y publie tout un temps, y compris dans les plus prestigieuses : La NRF, Europe, Po&sie, Théodore Balmoral, L’animal, etc. Fondée en 1978 avec Bécousse, Cailliès, Schaettel, Wellens, la revue NOAH, revue de jeunesse, arrive bientôt à son terme. Peu après il rejoint le comité de rédaction du Mâche-Laurier, puis de Secousse, toutes deux publiées sous l’égide des Éditions Obsidiane où paraîtront dès lors ses poèmes ; ses livres de prose bénéficiant des soins du Temps qu’il fait. Depuis quelque temps il dessine…
Bibliographie (hors livres d’artiste) :
L’empreinte de ton ombre, Éditions Chambelland, 1976.
Clous, Grand Prix de Poésie Printemps du Vendômois, L’Arbre de Lumière, 1978.
Initiales du temps, Prix Froissart, Cahiers Froissart, 1978.
Le Liseur d’arbre, Prix Jeune Poésie François Villon, José Millas-Martin Éditeur, 1979.
Ici. « L’Arbre », Jean Le Mauve, 1979.
Les commis, Éditions Folle Avoine, 1982 ; Réédition Le temps qu’il fait, 2007.
Jardins tout au fond du jaune les yeux, Thierry Bouchard, 1985.
Fenêtres la nuit vient, Bois gravés de Petr Herel, Éditions Folle Avoine, 1987.
Chevaux, Roman, Bourse de la Fondation Del Duca, Denoël, 1987. Réédition Le temps qu’il fait, 2023.
La vache automatique, Fantaisie, Le dé bleu, 1989.
Dijon, Champ Vallon, « Des villes », 1989.
Ode à l’absence (encore) et à l’herbe du soir, Eau-forte de Patrice Corbin, Hautécriture, 1990.
Sales mouches, Eau-forte de Patrick Le Coq, Atelier d’Art Rougier, 1994.
Lointaine approche des troupeaux à vélo vers le soir, Éditions Folle Avoine, 1995.
Solitude des plantes, Histoires, Le temps qu’il fait, 1996.
D’une lettre déchirée, en septembre, Éditions Tarabuste, 1996.
Pas folle, la vache, Éditions Tarabuste, 1996 (réédité 2001).
De l’humilité du monde chez les bousiers, Obsidiane, 1996 (Prix des Découvreurs 1998).
La Vache (choix et présentation), Co-édition Le Muséum national d’histoire naturelle – Favre, « Le Bestiaire divin », 1998.
Le grand tournant, Récits, Le temps qu’il fait, 1998.
Vessies, lanternes, autres bêtes cornues, Obsidiane, 2000.
Honneur au fantassin G., conscrit en Meuse, Le dé bleu, 2000.
La grand’soif d’André Frénaud, Salutation, Le temps qu’il fait, 2001.
Bouchères, Obsidiane, 2003 (Prix Roger Kowalski – Ville de Lyon).
Aller d’amont, Éditions Virgile, « Suite de sites », 2004.
D’un pays pâle et sombre, Autres salutations, Le temps qu’il fait, 2004.
Le vélo de saint Paul, Histoires, Le temps qu’il fait, 2005.
Prévision de passage d’un dix cors au lieu-dit Goulet du Maquis, Obsidiane, 2006.
Jockey ! Gouaches de Ricardo Mosner, Atelier Rougier. V., 2006.
Maurice, in Les oiseaux de Sens, Photographies d’Emmanuel Berry, Le temps qu’il fait, 2007.
Rubrique terre, Contre-allées, « Poètes au potager », 2007.
Graminées, un cahier perdu puis retrouvé, Le temps qu’il fait, 2007. Seize de ces poèmes traduits en tchèque par ailleurs par Ales Pohorsky.
Les larmes de Spinoza, Histoires, Le temps qu’il fait, 2009.
Petit Soleil, Prose, Circa 1924, 2009.
Noël hiver, Histoires, Le temps qu’il fait, 2010.
Le petit cheval d’Ostrava. Prose. Le temps qu’il fait, 2011.
Tashuur. Un anneau de poussière, Obsidiane, 2012.
Mémoire, ce qui demeure, Éditions Tarabuste, 2012.
Des laines qui éclairent. Une anthologie 1978-2009, Obsidiane/Le temps qu’il fait, 2012.
Petr Král, Présentation et choix des textes, Éditions des Vanneaux, « Présence de la poésie », 2014.
Lieuse, Histoires, Le temps qu’il fait, 2016.
Aumailles. Anthologie. Les Découvreurs, 2016.
Territoire du coyote, Éditions Tarabuste, 2017.
Pascal Commère, Présentation et choix des textes d’Amandine Marembert, Éditions des Vanneaux, « Présence de la poésie », 2018.
Ainsi parle le mur, roman, Le temps qu’il fait, 2022.
Verger, etc., illustrations de Joël Leick, Fata Morgana, 2022.
Extraits choisis :
Éoliennes sur champs de neige
Les oiseaux reviennent. Grandes ailes au loin
brassant l’air sans relâche, tournant, que seul signale
l’ampoule rouge du phare tout en haut qui clignote, jette
autour sur le ciel l’éclat d’un vin clairet qui ne tache pas au sol
la neige amoncelée.
Fantômes à peine réels,
vigiles postés là aux confins, sans bruits ni heurts,
pas même quelque attache en ce monde, hormis un pied
hideux qui les scelle à la terre et dont l’œil se déprend, dès lors
que le regard prenant de la hauteur s’éloigne,
cherche l’ombre
où dans le jour qui baisse sur l’immensité enneigée
les ailes tournent et tournent, imperturbables
dans la lumière crue, sans prise sur l’hiver.
Éternels étourneaux
1
Jetée de plombs dans le ciel sombre, le monde
presque éteint en dessous. L’attroupement
en vol tout soudain s’éploie, flammèches
de cendres,
de quel feu mordorées
jaillies on ne sait d’où, la nuée
disparaît aussitôt qu’apparue. Noire, reparaissant,
magie de l’ombre en lumière basse, le ciel
moucheté, imperturbable, s’emplit, rassemblé
en un crépitement muet – murmure qu’en son dire
langue humaine se déploie. Livré à l’ombre
l’essaim s’amplifie, milliers d’ailes deux
à deux emportées par le souffle
touche à touche, sans qu’aucune
heurte une autre, ni ne cesse de battre
un seul instant, à peine. À peine si le vent
influe sur le mouvement, nasse d’air
d’où chaque point en un vertige unique
s’ouvre à la nuit qui vient, sans rien perdre du fil
qui le relie aux autres, semblables dont le vol,
ne laissant rien paraître, rapproche les lointains.
2
Un par un tous ensemble, mailles chacune en soi
d’un filet déployé dans le vide, ô vertige vu d’en bas
d’une soie envolée de l’épaule de quel dieu
en visite sur la terre, enroulée, assombrie
déroulée en ses plis et replis, déliés
mouvements qu’à se défaire on fait, se font et se refont,
nuages virevoltant qu’un vent immatériel
fixe d’une encre noire,
avalant la figure,
l’étirant, outre ou signe, l’empoignant, grains de sable
arrachés à la terre, pleine matière de vol en
envol ne sachant
rien de notre ignorance
quant au pourquoi de cela et
si cela fait sens en quelque langue apprise ;
pas plus que de raison s’il y a, de l’appel
au soir que messagers s’emploient à signifier
au-delà des contraintes propres au choix du camp –
consignes sécuritaires, intendance, chacun tenu en soi
à l’ombre de soi-même, lié
au mouvement d’une poche qui s’ouvre
et ferme son goulet, virant, changeant de bord, plongeant,
avant que de gagner tout en haut l’ombre obscure
dont ils sont à la fois tous ensemble
et chacun, feu et cendres.
3
S’appliquant à être, sans être davantage
qu’un point dans le ciel vide, assujetti à tous
sans qu’un fil les relie hormis boussole interne,
sextant, battements d’ailes ou quelque machinerie
les projette uns et autres parmi tous, rassemblés
au point de figurer, alors que le jour baisse
et que tardent les signes, une flamme assombrie
plongeant et remontant au gré de l’air, coulée
dans le gris s’y mêlant, sans que rien
ne commande,
sinon
loi de l’ensemble, ou crainte mal
nommée. Si ce n’est jeu, qui sait ? Joie
d’être avant la nuit, un parmi tous chacun
partie vivante en vol du sommeil de la terre.
(Extrait de Territoire du coyote, Ed. Tarabuste, 2017)