Né en 1951 à Paris, il a vécu jusqu’en 1976 à Saint-Denis (93), la ville où est né Paul Eluard, puis en Isère près de Grenoble, à Saint-Martin-d’Hères de 1976 à 1980 et Gières de 1981 à 2006. Il vit aujourd’hui à Vinay, ancien pays de vignes, aujourd’hui pays de la noix.
Conservateur des bibliothèques et du patrimoine à Saint-Martin-d’Hères jusqu’en 2011, il a dirigé de nombreuses publications et recherches en histoire en particulier sur l’immigration.
A dirigé depuis sa création en 1985 et jusqu’en 2011, la Maison de la poésie Rhône-Alpes, deuxième maison de la poésie en France. A organisé dans ce cadre des rencontres avec les poètes, un festival de poésie, des ateliers de création, des expositions, une collaboration régulière avec les peintres…
Aujourd’hui coprésident de la Maison de la poésie Rhône-Alpes, il dirige et anime, depuis 1992, la revue de poésie Bacchanales.
Il a publié :
– en 1988, L’oratorio pour trois gavroches, musique d’Eric Doucet, joué en 1988 à Saint-Martin-d’Hères, sous la direction de Stéphane Cardon de l’orchestre de Grenoble et à Bègles et Pessac, sous la direction d’Eliane Lavail de l’orchestre de Bordeaux devant plus de 6000 personnes ;
– avec les peintres Bernard Larcher et Guerryam, les livres d’artistes : Turbo poésie et Tuffeau et tourbe en 1991 aux éditions Karedys ;
– avec le peintre Chantal Legendre : Ballades d’automne en 2000 aux éditions Les Îles en feuilles et Protis à Prague et Tissages de vie en 2001 aux éditions les Îles en feuilles ;
– avec le peintre palestinien Kamal Boullata, le livre d’artistes Chemins en 2002 ;
avec le peintre Anne-Laure Héritier-Blanc les livres d’artistes, Levée du fleuve en 2004 et Présences en 2005.
De nombreux textes en revues et anthologies dont en français et en corse dans Bonanova
N° 22 en 2009 : Tessaturi di vita – Scala , Prisenzi.
– en 2019, mis en musique et interprêté par Photis Ionatos : Incantations. CD Edition Φ, Bruxelles
Quelques textes de Pierre Vieuguet :
Tissages de vie
Tuffeau et tourbe
Levé tôt le matin
il entrouvre en silence
la pièce du bas froide
contre la cave
silence de craie
Elle pose sur la table
trois tasses
porcelaine
assiettes en terre
deux verres cerclés de rouge
Il tire de ses mains raides
l’eau glacée et la nuit de puisard
Elle lie à l’abaissée du jour
entre ses mains des fleurs
saveurs précises dans les allées
régulières du jardin
Oubli des guerres pour eux
Fragrances volubiles
Elle met avant le jour
quand la maison sommeille
chemise bleue pour lui
pot de fer émaillé
eau de pluie en ses mots
A l’approche du ciel
passé bien des chemins
s’incisent dans la roche
coupelles d’éphémères
replis pour les oiseaux
des mousses bleues
y soufflent
un vent de pluie
Des navires cuirassés
croisent au large d’Ouessant
silhouettes acier
lentes dans la brume
ombres sur les maisons basses
agrippées à la tourbe
Des femmes ici
redressent chaque jour
des murs de pierres noircies
pour inverser les vents
Souffle le vent des mots
des paroles indécises
le vent des choses
Souffle la caresse
les yeux
le sable
Souffle les gestes
les gens ensemble
rigueurs colère
Sur la place carrée
Au bas des arbres
Souffle
respire contre le vent
goulées de bruine froide
lente respiration debout
Tissages de vie
Chemins
Chemin bleu
vagues nuées sur le val
Chemin blond
cailloux grèves boutons d’or
Chemin de nuit
gorge frisson de peau qui tremble
Chemin de croix blanches et noires
de coupoles d’églises aux quatre vents
Chemin de ton souffle
de ton sang tout chaud
Chemin portes et seuils
tissus ajourés voiles et porcelaine
entre ombre et lumière
Chemins perdus détours
ton pas qui se retrouve
Sept chemins de sources
Des sourires et des matins de lune
Tissages de vie
Échelle
Échelle du temps
du soleil inversé
reulons des jours
Patience du ciel en toi
stridence des étoiles
dans la nuit qui parle
Tu fais de toi-même
ton élan ton repos
Échelle des combats des murs
Les femmes hurlent et chantent
à détruire les prisons
Tes mains se ferment et s’ouvrent
Tes yeux accordent
Ton pas s’assure et danse
à gravir dans les pierres
le mont qui voit le fleuve et la mer dans les sables
Présences
Écrire
Comme un remous dans l’eau
Comme une feuille de l’hiver
que l’on froisse
du bout des doigts dans la terre
Agenouillée
sur la pierre blanche
au dessus de l’eau
Tout vient comme
un oubli du temps
Aux aguets
tout à son éveil
il élucide les milles tours de l’eau
Ce qui s’inverse hésite
adouci l’arrête des rochers
Alphabet du torrent
long dévidoir de signes
vapeurs des remous
frissons au coin des lèvres
Marchant sans fin
dans le silence
rien ne s’imagine
que le ciel et la mer
Comme l’eau dorlote tes joues
la pluie désaltère le sable
Repoussées de la main
les pétales et les roses
la vasque d’eau
est miroir des nuages
Les chemins de la ville
sont couverts de poussière
L’eau étale bouge
Les gens passent
versent leurs regards
Chacun attend l’autre
et se connaît à peine
la coupelle attend l’eau
qui épousera son contour
L’enfant tient déjà dans ses mains
le visage et les larmes
de celle qui rêve
d’être enfin réunie
Entrées dans la maison
la porte refermée
l’eau de la fontaine
Converse avec la pluie
Poème écrit dans le cadre de « Poète à deux têtes » pour Susana Licheri et Marie-Christine Rey Août 2005
Parole pour la paix
Pas à pas
tu suis le fleuve
tourne le paysage
la nuit efface le chemin
Son regard
ses mots dans ton cou
la laine qu’elle a mise sur tes épaules
la nuit efface le chemin
Tu hésites
pas une lueur
tout est silence
la nuit efface le chemin
Qui est celui qui veille
au delà des monts
rien ne peut se reconnaître
la nuit efface le chemin
Ni l’arbre
Ni l’ornière
Ni la borne séculaire
la nuit efface le chemin
Levée du fleuve
Elle passage
verres et paroles fragiles
mots affirmés
au cœur des nuages
Elle diaphane
une ombre
Cri rouge
dans le chemin
Elle instant d’avant
sable noir
mousse verte
appel sur le clocher
Elle régulière
dans les sillons
seule sur le talus
bruyant d’oiseaux
Elle mains dans la neige
mitaine à la barrière
descend
vers le fleuve
Elle aronde
courbée dans son élan
à boire
l’air du matin
Elle amoureuse
à reprendre
ses pas sur les berges
au bord de l’eau
Elle figure
ailes tournantes
seule dans la plaine
à s’amuser du vent
Elle mousse
accrochée au rivage
à guetter les remous
et tous les tours de l’eau
Elle lampion
de verdure
à ourler
le lent passage du fleuve
Elle silencieuse
lusaude
brin de laine
caillou serré dans sa poche
Elle circulaire
ravaude
à l’orée du bois
son chemin
Oratorio pour trois gavroches
Romance
Dis-nous la chanson d’un village
ouvrons la porte des blessures
derrière des tours châteaux gardés
des mains liées privées de rêves
une rivière couleurs étranges
frise lumière roseaux noirs sous le vent
l’enfant regarde son pays
Dies Irae
Pays debout
Brisons les tours
Nous voulons des terres
et pas des prisons
Romance Bara
Bara parti loin du village
Colère en lui sourire aux lèvres
pour conjurer toute misère
Donner des biens pendre des terres
Ne craindre rien ne pas mourir
et s’arrêter aux genêts des chemins
Contre eux l’armée toute en guenilles
criait sermon faites la guerre
Serf et seigneur pour le Destin
Gardez châteaux dentelles des maîtres
Viala tenant le bord de l’eau
pour qu’il ne passe la Durance
et qu’un jour son rire te découvre
Viala
Il habitait la rue et courait sous les porches
Des enfants avec lui se moquaient des palais
Il n’avait pas douze ans quand il quitta sa ville
et remonta le cours d’une rivière sauvage
Il faisait doux pourtant et les odeurs du soir
apportaient un message de feuillage d’argent
et de fruits délaissés qui passent les saisons
Ils arrivaient du sud
Rien ne devait changer
Ils ont tiré soudain
le voyant résolu
Il oublia le soir
Les moments de tendresse
Un museau dans son cou
et ce lapin debout qui guettait l’horizon
Stendhal
Grimpé debout
sur une chaise haute
curieux rieur
le nez penché
sur le jardin
J’aperçois des enfants
Noirs et sales
en habits de parade
et tous ces bruits ces coups
ces moments de gaieté
Il regarde sa ville
il voudrait y aller
n’aime pas les tyrans
et se cache à leurs yeux
pour mieux les oublier
Les clubs jacobins
appellent les enfants
sous les arbres un espoir
Écoute ce libraire
en tissus de couleur
sa voix est un écho
à la forêt des livres
Viens chanter avec nous
et jouer avec d’autres
Décidons tous ensemble
un monde merveilleux
Romance
Dis-nous la chanson d’un village
Écris nous les mots d’une histoire
où des enfants dans chaque pays
échangent souvenirs et rêves
Leurs désirs ont passé le temps
Leurs volontés et leurs jeux interdits
Des yeux s’amusent à nous parler
Final
Au-delà d’un jardin d’un regard sur la ville
Tout là-bas vers le sud où s’arrêtent les terres
des enfants blancs et noirs ont mêlé leurs sourires
et leurs cheveux au vent
Dans la ville du Cap des inconnus se parlent
Les sons des mots s’enchaînent pour ouvrir des visages
Bâtissons des raisons apprenons la patience
des falaises polies par le chemin de l’eau
Échangeons des galets pour faire des paysages
Nous passerons les bornes oubliant les frontières
Nous jouerons la Salsa sur les flûtes de pan
Nous rangerons les armes dans les musées souvenirs
Les peintres sortiront dans chaque rue des villes
Les ailes des oiseaux emporteront nos rêves
nos vols amicaux au souffle des étoiles
et les maisons des gens s’habilleront de lumière
Tu verras dans ses yeux les dentelles d’un monde
où des enfants heureux apprivoisent la vie