
Michel Dunand est né le 24 juillet 1951, à Annecy, où il réside et où il a fondé une « Maison de la Poésie ». C’est un lieu de consultation, d’expositions, d’écoute (poésie, chansons, conférences, musique contemporaine…), de rencontres.
Il anime la revue « Coup de Soleil » (poésie & art), depuis 1984.
Récitant très actif. Grand voyageur et collectionneur d’art.
Parrainage de l’émission « Poésie en Pays de Savoie », sur radio Semnoz (91 numéros, à ce jour).
Il a travaillé avec des musiciens de tous bords, des compositeurs, des chœurs.
Michel Dunand a publié 17 recueils de poèmes. Une centaine de livres et travaux d’artistes ont vu le jour, ainsi qu’un CD.
Certains de ses poèmes ont été traduits dans une quinzaine de langues. Trois de ses ouvrages ont été traduits en arabe par Azouz Jemli, et publiés à Tunis.
En 2023, il a rejoint l’équipe d’animation du Festival « Voix Vives », à Sète.
Michel Dunand est également président de l’association « Ceux de Rawa-Ruska et leurs descendants » (section Savoie-Dauphiné). Rawa-Ruska fut un sinistre camp de représailles en Ukraine (Stalag 325). Son père y a été incarcéré durant la Seconde Guerre mondiale.
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BIBIOGRAPHIE
Dernières nouvelles de la nuit. Le Petit Véhicule. 1989. Encre de Jacques de Féline.
Péril en l’ocre jaune. La Bartavelle. 1993.
Un éternel présent (CD). Musique originale : Pierre Coppier, Bernard Donzel-Gargand. 2011.
Dernières nouvelles de la nuit et autres poèmes (1980-1993). Peintures : Marc Limousin. Le Petit Véhicule. 2019.
UN AVANT-GOÛT DU VENT :
1, Ailleurs, toujours, est au soleil, suivi de Roi sans arpent.Préface de Jacques Ancet. Encres : Yves Mairot. L’Harmattan. 2003.
2, Hors piste, suivi de Trois amours, aucun. Préface de Jean Joubert. Bois gravés : Jean-Bernard Butin. L’Harmattan. 2008.
3, Sacre. Jacques André Editeur. 2010.
4, Tout est dit. Editinter. 2010.
5, Mourir d’aller. Jacques André Editeur. 2012.
6, Tunis ou Tunis. Version bilingue : arabe et français. Berg éditions, Tunis. 2012.
7, J’ai jardiné les plus beaux volcans. Po&psy Erès. 2014.
8, Les toits du cœur. Jacques André Editeur. Postface de Didier Pobel. 2015.
9, Miels. Editions Henry. 2016.
10, Au fil du labyrinthe ensoleillé. Jacques André Editeur. 2018.
11, Mes orients. Jacques André Editeur. Postface de Jean-Paul Gavard-Perret. 2020.
12, Rawa-Ruska, le Camp de la soif. Voix d’encre. 2021.
13, Rien de plus. Ed. Livres du monde. 2022.
14, Un pont, des fleuves. Jacques André éditeur. 2023. Postface de Jacques André.
Textes de Michel Dunand
Tant d’oiseaux.
Sans parler de l’air
qui pèse moins lourd
que le poids
de son nom.
Sans parler de l’or,
lorsque l’air
est en fleur.
Et la propre vie
qui toujours,
par malheur,
te ressemble.
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La poésie qui venait de la pluie,
la petite, crottée,
trouée,
nue,
la sans collier,
elle la mouche avec la mousse
de ses mains,
elle la marche
et vous la valse entre deux vagues.
Tourne,
retourne,
la cuiller de sa langue.
Elle endort.
In : « Dernières nouvelles de la nuit et autres poèmes ». Le Petit Véhicule. 2019.
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Un mage étrange,
en vérité !
L’étoile était
couleur charbon.
Roi sans arpent,
il cheminait,
les paumes vides,
en plein désert.
Les yeux fixés
sur le papier,
les animaux
se lamentaient.
Dieu seul savait
si le poème
verrait le jour.
***
A marcher tout le jour
sur les flots, vendangeant
chaque averse ou calmant
le mistral, on oublie
qui l’on est.
On oublie
que le sol est de l’eau,
le nageur harassé
que l’on fut. On prendrait
les noyés pour des bars.
In :« Ailleurs, toujours, est au soleil ». L’Harmattan, 2003.
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Un masque est un pays comme un autre. On peut le visiter. J’ai voyagé pendant plusieurs jours dans un grand peigne assez bizarre avec des dents rouges. Il représentait, dans sa partie supérieure, un couple impassible en bois noir, assis sur un petit trône. Un jeune enfant, couché sur les genoux de la femme et de son mari, tétait un sein lourd de légende.
Masque ashanti (Ghana). Village artisanal, Abidjan
.
***
Tchad.
Cameroun.
Nigéria.
Niger.
On ne sait pas qui est qui. Poissons. Poissons humains multicolores. Ils se sont tous retrouvés là, le temps d’un grand marché, dans un filet commun.
Le spectacle est total, idyllique.
Abolition des frontières…
On achète.
On vend.
Poignées de main.
Saluts.
On parle.
On parle.
Rendez-vous sur le lac Tchad. Koffia. 26/12/06.
In : « Hors Piste ». L’Harmattan, 2008.
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Tu crois
que le tronc
te tient.
Mais non,
le porteur,
le pilier,
c’est l’oiseau,
là-haut,
tout là_haut,
dans le ciel.
C’est son chant.
C’est la branche,
avec le vert,
l’or.
Que de bleu !
La main
de Dieu,
sans doute.
***
Viens ce soir
Viens beauté
Le plaisir
nous attend
sous la boue
de l’étang
Ce poisson
redoutable
est un gros
carnivore
On l’attrape
à la main
sans un mot
sans un bruit
Viens ce soir
Viens beauté
***
Avoir faim pour avoir faim.
Avoir soif pour avoir soif.
Il y a un désert dans le mot désir.
J’ai décidé de l’explorer.
J’ai décidé de l’habiter.
***
Je viens du cœur.
J’ai bien connu l’amour, autrefois. Je n’en sortais jamais, je ne sortais jamais de ce pays, et d’ailleurs, ce pays n’avait pas de frontières. Il ne les tolérait pas.
Un océan sans horizons, voilà ce dont je parle, et d’où je viens.
J’aimais un corps. Un corps, avant tout. Un corps, rien que cela. Mais tellement, tellement plus que cela.
J’ai bien connu le soleil. Je le revois souvent. Le cœur est partout.
Immense et partout.
In : « Sacre ». Jacques André Editeur. 2010.
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Ne pas penser.
Quel don !
Je veux aimer.
Rien d’autre.
Brûler.
Rien d’autre.
Je suis entré en religion, très tôt, bien avant de voir le jour.
La nuit brillait comme un soleil.
On naît poète. Il faut s’y faire.
***
J’ai changé de peau.
J’ai changé de bras.
Pluie du matin,
sensuelle,
inespérée,
je te reçois comme un baiser. La nuit joue les prolongations.
Je suis vivant.
Nuit d’amour,
tu règneras.
In : « Tout est dit ». Editinter, 2010.
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Pour Azouz Jemli
Le feu couve.
Un combat mystérieux s’engage.
Un tank fait les cent pas,
face à la mer.
Sans un battement de cœur.
Sans un mouvement de cil.
L’œil étincelle.
On se regroupe.
On murmure.
On parle
à mots couverts.
Sois rassuré, poète.
On ne confisquera
jamais le langage.
Il poursuivra sa route.
Il soulèvera
le béton.
Le plomb.
Tunis. Couvre-feu. 12/01/11 Révolution du jasmin.
***
Le mot désert
Est un mirage
A lui tout seul.
Douz
In : « Tunis ou Tunis ». Berg Edition, Tunis. 2012.
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Vieux roi
Donnez-moi trois clous,
trois bons clous
pour m’asseoir.
Je suis fatigué.
Je suis épuisé
de chanter,
de crier,
de danser du soir au matin.
J’ai soif,
Mais autrement.
Ne plus tourner
comme un malade
autour de soi.
***
Je suis un collectionneur.
Un fou du temps.
Il n’y a que les instants, les beaux instants qui m’intéressent. Ils me fascinent.
Ils sont si précieux,
si rares.
On y voit le monde.
On y voit le ciel.
In : « Mourir d’aller ». Jacques André Editeur, 2012.
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Maison des Frank, étroite, haute,
Intemporelle.
Assez valise, en fait.
On l’emporte avec soi, la famille au grand complet, pour ne pas partir.
Ne rien oublier.
Ne rien perdre.
Amsterdam, Maison des Frank.
*
Des étoiles,
on voit la maison.
***
Un pot, trop petit pour la soif.
On reconnaît bien là Van Gogh.
Mur nu, d’un ocre un peu sale, un peu gras.
Vivacité des fleurs, des feuilles.
On voit des iris, la tête en bas.
Le beau va jusqu’à lécher la table.
Oui, c’est lui.
C’est Vincent.
« Iris sur fond jaune ». Saint Rémy, 1890. In : « Miels ». Editions Henry, 2016.
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Le bouquet s’élève.
Il se dilate.
Il jure avec la misère, avec la tristesse, avec la mort.
Il chante.
Il brûle.
Il voit.
Il prie.
Tous les bouquets sont des autoportraits.
Séraphine embaume. On écoute un chant d’amour, lorsqu’on voit sa peinture.
Un nom la résume.
Un seul nom.
Le sien.
Séraphine Louis. Senlis.
***
Des éléphants,
Des lions,
des rhinocéros,
des dragons…
Je reçois peu, dit l’aiguille. Il est vrai que le porche est si petit.
Conversion de Paul. Damas. In : « J’ai jardiné les plus beaux volcans ». Po&psy Erès, 2014.
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Ecarts
Je revois souvent ma copie de voyageur.
La poésie consiste à sortir des rails, des chemins, des sentiers, des tracés ; pas à les suivre aveuglément, jusqu’au bout du monde, ou non. Je cherche à me ressembler. Je cultive aussi le caillou, le ravin.
***
Bon début de journée.
Je pose enfin mon sac.
Je me pose enfin.
Le soleil peut se lever.
Bonheur et leçon.
Je n’attendais plus,
lassé de marcher,
de vouloir.
Or, ce matin, les mots sont là, sur le seuil de ma demeure, à l’orée du potager vert de joie.
Notre errance amoureuse
a pris fin.
In : « Au fil du labyrinthe ensoleillé ». Jacques André Editeur, 2018.
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Coup de fil
Nouveau rappel à l’ordre.
Au bout du fil, un vent
de sable et des troupeaux.
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Le désert
est parfois
mon prochain
nous parlons
le silence
un langage
intérieur
un dialecte
inouï
Le désert
m’a donné
sa tendresse
une oreille
infinie
quel soleil
en secret
nous unit
pour la vie
In : « Mes orients ». Jacques André Editeur, 2020.
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Apprentissages
Être un oiseau se mérite.
Il faut beaucoup de courage.
Il faut beaucoup de patience.
On n’y parvient que lentement.
*
J’ai du mal à l’épingler.
Mon poème a tendance à s’envoler dès la naissance.
***
Allumer l’instant.
Ses yeux.
Ses grands yeux.
Ses beaux yeux,
si chers.
Rêver,
c’est l’heure.
*
Mon œuvre est un collier.
Mais on peut la porter
comme un bracelet.
Comme un cœur.
Comme on veut.
In : « Rawa-Ruska, le Camp de la soif ». Voix d’encre, 2021.
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Raymond-la-liberté
Mon père aura très peu lu, durant sa longue existence. Un bouquin, toutefois, n’aura pas quitté le chevet de son lit, durant plus de vingt ans. « Le caporal épinglé », de Jaques Perret, 1947. En format poche. Il l’a lu, puis relu, miette après miette.
On voit sur la couverture usée de cet ouvrage un soldat s’enfuir comme un lapin. C’est un prisonnier de guerre. On voit des barbelés, les cisailles. Une ouverture a été crée dans le grillage. On voit la liberté. « Le caporal épinglé », ce n’est pas seulement Jacques Perret, c’est Raymond, mon père. Le roman raconte aussi, plus ou moins, son histoire. Un grand pan de sa vie, plutôt. La captivité, dans les années 40. Les stalags, le sinistre camp de Rawa-Ruska, un camp de représailles, en Ukraine, et ses kommandos. Les évasions (5), le retour définitif enfin, après pas mal de déplacements.
Lire, ou le plaisir infini de s’identifier à. Pour ma part, j’ai dévoré des monceaux, des montagnes de romans.
In : « Rien de plus ». Editions Livres du Monde, 2022.
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L’Ukraine au corps
Il visait aussi mon jardin,
ce tir d’artillerie,
n’explosant
qu’en apparence
à tant et tant de kilomètres.
Il visait aussi ma fenêtre.
Il visait aussi mon cœur.
*
J’arbore un rouge inconnu,
du jaune et du bleu.
J’arbore une Ukraine
en sang
L’embrasement. 24/02/22.
***
C’est un rêve. Il me poursuit, jour et nuit.
Je vois Marioupol en habits pimpants. Je vois la ville en jaune, en rouge, en vert, en bleu. Les couleurs de Sonia Delaunay, l’enfant du pays. Tons purs, joyeux. La paix règne et la liberté triomphe à nouveau.
La guerre a déclaré forfait.
Fatiguée.
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Quels résistants,
ces arbres…
In : « Un pont, des fleuves ». Jacques André Editeur, 2022.
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Un coup de pied
dans une étoile
et tout s’effondre.
Et l’avenir ?
a-t-il encore
un avenir ?
Deux alexandrins,
sagement pliés
dans un vieux buffet.
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Pavie. Je vais
de Rome en Rome.
en nuageant.
***
Sucre ou sable, ou sel ?
Qu’ajouter au monde ?
Un grain, mais lequel ?
Inédits