Né en 1951 à Rieux- Minervois (Aude), il vit en Haute-Ardèche, après avoir vécu plus de quinze ans à Montpellier et dans les Cévennes. Conservateur en chef des bibliothèques, écrivain, traducteur de l’espagnol.
Editeur, il co-dirige la collection Espaces de peu aux éditions Atelier des Grames. Il prépare l’édition d’inédits de Joë Bousquet aux éditions Hippocampe.
Egalement commissaire d’expositions. Depuis 1995, il travaille avec des artistes pour des livres singuliers. Livres aux éditions A Demeure, L’Amourier, A Passage, Atelier des Grames, Le Bourdaric, Brémond, Le Cadratin, Centrifuges, Collodion, Color Gang, Comp’act, Créaphis, Fata Morgana, La Féline, Frau, Hanneton, Huguet, Le Livre pauvre, Mains-Soleil, La Margeride, Méridianes, La Passe du vent, La Petite Fabrique, La Porte, Propos2, Rencontres, Rivières, La Sétérée, Tarabuste, Trames, Voix-Richard Meier, Voix d’Encre, Les Yeux les mains, Zéro l’infini… Publications sur Internet.
photo de Marie-Françoise Bondu
Derniers titres parus: Talus (éd. La Féline, 2013) avec une estampe de Jean Rigaud, Question de la lumière (éd. Rencontres, 2014) avec des peintures de Christine Valcke, Nuidité du fragment (éd SD, 2016) avec des travaux de Sylvie Deparis, Nuidité du seul (éd. La Canopée, 2016) avec des travaux de Thierry Le Saëc, Tset, tsvet (éd. Centrifuges , 2016) avec des peintures de Claude Viallat, Maison, où… (éd. Méridianes, 2016) avec des peintures de José Manuel Broto, Pessakh Antschel & Bachmann Apside (éd. Collodion, 2016) avec des peintures d’Anne Slacik, Ce moment seul (éd. Le Cadratin, 2016) avec une typographie de Jean-Renaud Dagon, Epeler l’arbre (éd. Galerie du Bourdaric, 2017) avec des travaux de Mireille Fulpius, Isabelle Grasset (Yzo), Alexandre Hollan, Jean-Luc Meyssonnier, Presque le ciel / El Cielo casi (éd. Atelier Carole Texier, 2017) avec des gravures de Carole Texier, Partita (éd. Voix-Richard Meier, 2018) avec des peintures de Hélène Peytavi, Ocell (éd. Le Livre pauvre, 2018) avec des peintures de Thierry Le Saëc, Nouer (éd. Color Gang) avec des gravures d’Yves Olry, L’Oubli ostinato (éd. Trames, 2018) avec des peintures d’Anne Slacik, Vertige du seuil (éd. Les Yeux les mains, 2018) avec des peintures de Thierry Le Saëc, La Vie qui lui manque in En el vuelo de la memoria : para Angel Campos Pampano – collectif, direction Suso Diaz (Editora Regional de Extremadura, 2018), Tarrampeu in Frau(x) (éd. du Frau, 2018) avec des travaux d’Odile Fix, Nuidité du papier (éd. de Rivières, 2018) avec un texte de Michel Butor et des peintures d’Anne Slacik, Debaxo (éd. Izella, 2019) avec des peintures de Michel Remaud, S’amuïr, suivi de Résister aux mêmes (trois brefs essais sur la poésie) (éd. La Passe du Vent, 2019) avec une préface de Jean-Michel Maulpoix et des gravures de Gisèle Celan-Lestrange.
Textes de Jean-Gabriel Cosculluela :
Incesser la lumière pour Aurélie Foglia
La lumière ne disparaît pas. Inciser la nuit. Inciser le jour. Incesser la
lumière.
Elle advient, apparaît où elle reste à chercher.
La couleur la creuse, là où elle peut se trouver, nomade.
La couleur est peut-être seule à être là, un instant, à nu, à vif. Une
touche, silencieuse.
24 février 2019
C’est le travail de l’ombre ou de l’obscurité. L’ombre et l’obscurité ne
se donnent qu’avec la lumière. À côté.
Lo joi seria
la riba
dels mots paures
s’escampar aqui
e trobar la canço.
(Vida de Jaufre Rudel) *
Avec l’empan des pertes, les yeux, les mains retrouvent une couleur
seule, nue, vive.
Les yeux, les mains retrouvent peut-être le rythme, la vibration de la
lumière.
Nous ne la nommons qu’avec des mots pauvres, creusant. Le chant
est au bord.
Claire lumière ou lumière obscure. Nous nous approchons, allant
même la chercher dans l’ombre et la nuit mêmes. Pour un chant,
battant de lumière.
Nous gardons une voix en retrait, de basse continue.
La lumière finit par s’échapper des pertes, des brisées. Les yeux, les
mains reprennent la partition, ce qui a été perdu. Le chant.
25 février 2019
Jusqu’à ce que la lumière tienne, ne serait-ce qu’un instant.
La lumière se retire et se fait à l’angle de la lumière, aux brisées de la
couleur.
ô cendrée du chemin, ce sont des mots pauvres de Gérard Titus-Carmel,
proches du chant
Nous cherchons la lumière jusqu’à son nom. Son nom perdu d’un
angle à l’autre, d’un bord à l’autre, erre, peut-être, lumierre.
Nous nous égarons, comment faire ?, dans la lumierre.
Son nom perdu, elle traverse l’ombre, puis l’obscurité avec quelques
couleurs seules, nues, à vif.
26 février 2019
La lumière se fait nuit, la lumière se fait jour, yeux nus, mains nues.
1er mars 2019
*
Le voeu
accoster
au bord
des mots pauvres
se jeter à leurs pieds
et faire chanson.
© jgc, mars 2019
*
Garder le silence
à Claude Margat
N’aie pas peur de regagner le vide le plus simple
Louis-René des Forêts
Poèmes de Samuel Wood
Il y a
le commencement
de tes mots
dans le noir
les bruits
de tes pas
sur le chemin
dans l’herbe
ton regard
en silence
puis
les à peine
bruits du jour
en arrière-fond
les couleurs
de la ligne d’horizon
entre l’à peine bleu
et la terre encore encre
soudain
un petit bois
dans le fond
et d’autres couleurs
de la terre
te viennent
peu à peu
tu gardes
le silence
à la lettre
près
dans la lumière
qui vient
tu vois
l’écriture
de la terre
qui reste
invisible
à d’autres
des parcelles
de champs
des arbres encore
et les tournants
du chemin
tu gardes
« le voir
le plus simple »
sur ta table
de mots
et d’images
tu le nommes encore
pour d’autres
dans l’invisible
tu restes
entre
nous dis-tu
tu nous nommes
nous
dehors
d’air
dedans
mots
images
bouche et buée
la lumière du jour
tremble
tu nommes
l’émotion
tu gardes
le silence
entre
mains
yeux
et bouche
un homme marche
encore
au loin
entre champs
sur le chemin
le noir
revient noir lumière
terminé le 10 septembre 2017
avec des mots d’Yves Bonnefoy (in Le Voir le plus simple, éd. La Sétérée, 1988)
*
Passant d’absence
à Sylvianne et Christian Sorg
Me manque le petit pays, la maison natale. Marcher dans la montagne. Entrer sans retard dans une langue inconnue. Se risquer dans ses mots, regretter. Marcher dans la montagne, arriscarse n’as suyas parabras, cloxicar. Marcher dans la montagne, parmi la pierre, l’herbe, marchar n’a montaña entre cantal, yerba, ou marcher dans la neige, o foziar, sur les sentiers de peu, n’as enderezaras de poco. Marcher dans la montagne, marchar n’a montaña. Se creuser, afundar-se. Passant, se creuser, peteniador, afundar-se. Se laisser des lettres, des mots sur le chemin des yeux, dixar-se letras, parabras n’o recorrer d’os güellos. Prendre les lettres dans l’alphabet de l’absence, prener-se as letras en o alfabeto i ausenzia. Rester en silence avec la perte, arrapar-se en silencio con a perda. S’arrimer au vent neige de l’oubli, aplegar-se a ixufrina d’o ixipliu. Se recouvrir de lumière dans la terre pauvre. S’embolicar de luz en o tarrampeu. Se glisser dans la neige avec les lettres, les mots, eslenar- se n’a nieu, con as letras, as palabras.
Traduction de l’auteur, avec l’aide d’Anchel Conte Cazcarro (pour les mots en fabla aragonesa).
copyright jean gabriel cosculluela
*
Trois quintils pour JB
à Julien Bosc
Version pour finir ou presque: le lieu d’une absence.
Et encore une autre :
le lieu qui nous prouve qu’être n’est pas un lieu.
Et pour finir cette version:
le monde est un lieu pour apprendre qu’être n’a nul
besoin de lieu. Roberto Juarroz
Nous arrivons nu à l’espace du livre,
d’un accord absent ou silencieux
à l’envers de nos mots et couleurs,
veilleurs, à l’écart, d’un phare sur la terre creuse,
disséminant quelques mots et couleurs.
Le chemin n’est pas perdu en pays nu,
nous prenons la lumière à même l’obscur,
à l’aveugle, nous touchons mots et couleurs
dans l’obscur, le chemin se devine
peu à peu, d’où, la lumière, par surcroît.
Nous faisons nu et nous avec le monde, la vie, le mot,
avec la couleur, nous cherchons un chant pauvre.
Nous sommes, puis nous ne sommes pas à l’oubli,
seulement nous résistons au même, à l’absence.
Le livre est là sur la table, pauvre, un chant.
© jean gabriel cosculluela, 27 septembre 2018
*
Un chemin nu
à Bernard Noël
L’oubli
est un chemin
nu
L’oubli
tient
malgré tout
encore un mot
dans le présent
par moment
à peine
L’oubli
faisant nu avec le peu
le rien
cela qui m’a tenu
retenu
me retient
L’oubli
revient
sans image
il ne ressemble
à rien
qu’à ce peu
qu’à ce nu
qui se fait jour
par moment
dans la mémoire
Je retrouve un mot
un nom
il fait oublier
et immédiatement
ne pas oublier
Textes extraits du manuscrit L’Oubli ostinato (53 poèmes dédiés à Bernard Noël) pour le projet de livre typographié avec des calligraphies de Claude Margat