Extrait de Nuages publié dans Variations sur le poème de la fin de Marina Tsvetaeva, Jacques André éditeur, 2006.

Traces tirées comme à la brosse, imparfaites, qui rayent le ciel et le maculent, travail hâtif, économe de matière,

ourlets seulement soulignés avec soin de ce blanc de lumière qu’on a été chercher du côté des jaunes ou des ors mais si peu,

et amas sombres de densité comme des secrets pour cacher l’accroc,

*

Marques de doigts sur la vitre bleue, ici ou là,
et les dilutions de la salissure lentement absorbée,

*

Fuite de ces corps qui s’enchaînent par filaments et se perdent,

puis unions rapides ou séparations,
l’un gagne le troupeau,
l’autre s’efface sur la nappe lisse,

la peur peut-être du naufrage
dans le bleu,

*

Le ciel à la lessive, plus clair d’avoir été passé,
avec à ses confins
ces franges d’écume blanche accumulées, chassées,

net à vouloir s’y coucher
et y rouler comme en drap sec,

limpide, presque de l’eau,

*

Là-haut, le mystère des mouvements fait penser au nôtre,

va et vient comme ceux des gens, les mêmes ou d’autres, hésitations, ralentissements ou stagnations,

écartèlements comme de ces fibres de nous que nous laissons accrochées aux yeux des voleurs,

là-haut, leurs corps comme dans le tourment des lambeaux,

*

Si haut élevés, moutons perdus,
petits et glacés dans la prairie bleue,
sous l’œil unique et martial,
petits et fragiles,

si haut égarés,

suspendus,

*

Dans le dégagement blême, ce front rectiligne repassé à l’eau,

essai de dégradé de la couleur,

divise soigneusement sa part de ciel,

*

Suspens immobiles d’amas lourds et blancs,

(et ce qui paraît de même nature, mêlé aux effrangements, bizarrement rond ou presque, pâle et mousseux, le satellite)

ont bougé sans choir,

masses du coup légères, maintenues sous l’huile bleue, solidaires et lentes comme d’épais trains sûrs,

laissant le fond par endroits gommé un peu, où demeure l’astre encore crémeux, inachevé,

*

Mû, puis aussitôt écartelé, bouffant, étiré et dissous par le vent,
le petit cocon blanc,
absorbé dans la limpidité de l’azur,
escamoté après l’égarement de la fuite
qui laisse au regard le souvenir de la blancheur
et le suivant semblablement,
cédant au ciel l’empire du bleu,

*

Par sa forme seule à ne pas totalement se confondre avec les étirements blafards,
la boule imparfaite joue à disparaître,
farceuse,
(juste le temps qu’il me faut pour tenter de faire partager ma joie),
parfois indiscernable,
puis presque aussitôt nette, à demi découverte,
étonnamment obstinée à ne pas se dissoudre aussitôt
comme ces chevelures qui s’effilochent,

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