Archives 2022-2023

Marilyne Bertoncini et Pierre Vieuguet ont été accueillis le 8 novembre 2022.

Hélène Sanguinetti et François Charvet ont été accueillis le 23 janvier 2023.

Christine Durif-Bruckert et Christian Viguié n’ont pas pu être accueillis pour des raisons de santé le 4 avril 2023. Nous essayerons de les réinviter ultérieurement.

Martin Laquet

Né à la fin des années 70. A commencé plusieurs fois des études. Écrit la nuit et peint le jour rarement l’inverse. Nombreuses lectures et nombreuses expositions. A organisé des lectures-rencontres (Poésie Vive) pendant cinq ans et s’est occupé d’une galerie, le memory lane. A reçu le prix Arthur Rimbaud- en 1999, déjà. Vit à la campagne, mais près d’une grande ville.

Quelques-unes de ses publications :

Cette lueur qui habite l’œil, 36° éditions, 2016.

Devenir nuit, 36° éditions, 2014.

Cinq ombres décousues, avec l’artiste Florence Dussuyer, Editions Centrifuges, 2014.

Dubhé, éditions Sang d’encre, 2011.

Lumières passagères, éditions Sang d’encre, 2010.

Un temps d’urgence, Eclats d’encre, 2008.

L’autre Versant ou le silence traversé, Librairie-galerie Racine, 2000.

Les dés du temps n’ont qu’une seule face, Maison de la poésie, 1999.

La Nuit déshabillée, Librairie-galerie Racine, 1997.

Textes dans des ouvrages collectifs :

J’ai embrassé l’aube d’été, La passe du vent, 2004.

Actes de naissances, La passe du vent, 2003.

               Textes dans des anthologies :

La Poésie française contemporaine, Cherche-Midi, 2004.

Les Nouveaux Poètes français, Jean-Pierre Huguet éditeur, 2002.

Martin Laquet

Textes :

J’inscris mes doutes

au front de la vie brève

ce soir je regarde

le ciel s’écorcher

ce soir l’éphémère

est un oiseau rouge

un poème comme un hublot

dans la coque du navire

plus loin que l’alphabet

des bastingages

goutte d’eau

dans l’eau trouble

des naufrages

mon regard sombre

est-ce ça vieillir

n’avoir que des ailes

de papier

un phare à l’horizon

jette ses dernières lumières

et je ne pleure même pas

les murs ont leurs secrets

j’ai les miens

dérisoires et sinueux

comme une vie d’homme

*

Je regarde les ombres qui dansent

sur ton corps, sur le sable brûlant

de ta peau : tu n’es pas là.

Non, tu respires loin d’ici,

près d’un autre fleuve, au bord,

d’autres feux. Tu tiens compagnie

à ma solitude : je vis dans la cécité

des jours sans toi,

les mains dans l’embouchure

errantes et prisonnières

mais vivantes.

*

Il y a les toits de la ville, le silence,

l’après-midi, le ciel blanc,

un train qui passe, un cliquetis de clés,

un sourire dessiné au tableau.

J’écoute, je regarde.

Ton absence est une présence.

C’est toi encore. Je ferme les yeux.

Estelle Dumortier

Estelle Dumortier est née à Bruxelles en 1977. Poète-performeuse et dramaturge, ayant travaillé de nombreuses années dans la danse, elle est directrice artistique de l’association La Traversante qu’elle crée en 2013 en région Rhône Alpes. Elle collabore avec de nombreux artistes, mène des rencontres d’auteurs, des cycles d’écriture, de lecture et de dramaturgie, crée des formes poétiques et théâtrales hybrides. Elle aime tourner, danser et dire ses poèmes sur scène et au bord des rivières, écrire et dire n’étant pour elle jamais loin du corps.

En 2014 et 2015, elle est poète associée au Tremplin poétique du réseau des bibliothèques de Lyon. En 2017, elle rejoint le collectif Écrits/Studio et crée des pièces radiophoniques de poésie qu’elle performe. Entre 2019 et 2021, elle s’investit dans un programme Culture & Santé auprès de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. De ce côtoiement elle écrit Entre les lignes (La Rumeur libre éditions, 2021). En 2022, elle publie Où l’air ne chute pas (La Rumeur libre éditions), un long chant poétique à la reconquête du corps, dans une relation au paysage, entre montagne et rivière. Elle est également publiée dans les anthologies du Printemps des poètes 2022 et 2023 aux éditions Bruno Doucey (L’Éphémère, 88 plaisirs fugaces ; Frontières, petit atlas poétique), ainsi qu’en revues : Teste, BoXoN, Gustave Junior, Bacchanales, Les Hommes sans Épaules, N4728, Microbehttps://www.facebook.com/Latraversante

Estelle Dumortier – © Anne Nguyen Dao 2020

Textes :

Je ne sais rien de la guerre mais je reconnais
Les colères qui parlent
Au monstre que je suis
*
Le meurtre commence dedans
Les images s’allument
Je passe des jours dans le silence
Quelque chose en moi
Se brise
*
Le matin
Les cloches
Les alertes
*
L’air a un goût de longue récitation
Les voix
Enterrées vivantes
Dans les corps

(Tant que la chair est un refuge où veillent les morts)

Estelle Dumortier
Juillet 2014

à Fabienne Swiatly

en écho

Hier, j’ai réveillé de vieux fantômes.

A l’enfant qui tentait d’apprivoiser la parole

j’ai parlé de toutes les langues qui se logeaient dans nos langues :

les langues parlées

les langues écrites

les langues officielles

les langues de banlieue

les langues des jeunes

les langues des vieux

les langues maladroites, cabossées, malmenées, imparfaites, compliquées, incompréhensibles

les langues qui veulent sortir

les langues qui ne restent qu’à la maison

les langues qu’on connaît

et celles qu’on ignore.

Je lui ai aussi parlé de toutes les voix dans nos voix :

la nôtre, celles de nos parents, de nos grands-parents, de nos ancêtres

celles de nos enfants pas encore nés

les voix du premier homme et de la première femme

les voix sans voix

les voix sans corps

les voix qui nous rendent visite, parfois nous colonisent

les voix timides

les voix qui hurlent en silence pourvu qu’on les entende.

L’enfant était un peu surpris.

Il ne savait pas qu’il y avait autant de monde en lui.

Je lui ai aussi raconté avoir découvert il y a peu de temps que

dans ma langue qui est le français

il y a une langue fantôme

tapie et sourde

sans voix.

Mes grands-parents maternels qui venaient de cette région de la Belgique

à la frontière allemande

avaient pour langue l’allemand :

mon grand-père, Friedrich, est né Allemand en 1917

ma grand-mère, Elisabeth, est née Belge dans la même ville en 1920

ils sont redevenus Allemands en 1939, puis Belges en 1945.

Ils parlaient allemand entre eux, la langue écartelée, honnie, honteuse

la langue à la frontière

entre

la langue / inter / dite.

Ils ont refusé de parler allemand à leurs enfants :

ma mère ne connaît pas la langue de ses parents

je suis la première de ma génération à avoir renoué avec elle.

Il y a peu de temps, j’ai réalisé que mes phrases qu’on me disait compliquées

avec des propositions relatives tordues

des emboîtements à n’en plus finir

des verbes à la fin

étaient construites comme en allemand

j’écrivais en français avec la structure grammaticale

avec un dos, une colonne vertébrale allemande.

L’allemand est la langue fantôme dans ma langue

celle qui me structure, me fait tenir debout.

Je crois que ça lui a parlé à l’enfant

parlé depuis le lieu de sa langue, de la mienne

parlé depuis le lieu de toutes nos langues tapies et sourdes.

Je crois que j’ai réveillé de vieux fantômes.

Ce matin, j’ai ouvert la bouche

stimmlos

sans voix

aphone.

Estelle Dumortier

novembre 2021

Dis dis incroyable ! vrai ! incroyable… entre chez moi et ici, dans la
marche, l’absence, la grande absence, disparue, j’ai disparu, en entier,
tout entière, tellement complètement que je ne sais plus entière de moi
où ça se trouve si retrouvée non, vraiment, le corps absent, disparu tout
entier plus vraiment là en vrai plus là du tout je t’assure… incroyable…
incroyable ça c’est vrai je t’assure… plus là du tout tellement que je ne
sais plus si c’est vraiment retrouvé ou si ça disparaîtra ou si trouvé
dedans la lumière parce que tu sais, la lumière ça a été, ça la perte et le
retrouvé ensemble à tel point que je ne sais plus si j’y suis encore ou si
ça va bientôt revenir là


je veux dire la perte

C’est ce corps on dirait que je l’avais perdu mais c’est impossible je ne
suis pas morte et toi ton corps en face du mien tout à l’heure rien, rien
d’avant ce que je reconnaîtrai

seulement la lumière
c’est cela
la lumière avec la perte

Ça a commencé le corps qui marche et qui sait où il va : tu connais le
faubourg Saint-Maurice entre chez moi et le centre la gare au milieu je
veux dire les deux gares et ces ponts entre les deux, l’autoroute en
dessous / non la voie rapide / et puis cet autre pont qui fait l’entrée de
la ville ? c’était là, là, entre les deux ponts et les deux gares, et bien je
croyais que c’était loin encore que tous ces kilomètres à parcourir tu sais
bien que j’aime marcher, ça fait tout chanter, la géographie et le béton et
les bruits et ces corps qu’on croise, tellement qu’on sait plus et que ça a
dû commencer par là


je veux dire la perte

Avant, avant les ponts et le béton qui chante et les pieds heureux, il y a la
sortie de chez soi la porte du garage qui claque clac c’est parti partie pour
l’après-midi au moins on ne sait jamais quand on revient… j’avais pris
mon temps pour une fois en avance du temps à chanter le béton pas
figé… il faisait beau comme maintenant le soleil c’était il y a pas
longtemps enfin je crois… je me rappelle je chantais parce que je chante
tout le temps quand je marche… il y a ce premier pont dessus la voie
ferrée je me suis toujours demandée pourquoi les trains de marchandise
avaient le droit aux paysages tellement abandonnés les chats dans les
herbes hautes mais les trains on dirait pas assez lourds pour ployer ces
herbes… je chante et c’est là le faubourg bientôt le métro mais avant la
jolie rue avec ses maisons en bois et les parents d’Adeline là et je passe
je ne sais plus si je chante c’est le soleil je crois, il fait si beau c’est bon
sur la peau, mais les vêtements une gaine mais c’est pas grave ça me plaît
cet air chaud emprisonné entre le vêtement et la peau ça me plaît me
dire nue je suis nue et au-dessus les vêtements corps pas habillé non, nu
nu dans les vêtements et l’air chaud du soleil comme une caresse comme
la lumière, on dirait je suis dans un ventre avec tous les autres les
voitures autour l’odeur de la pizzeria, un ventre tellement grand qu’on
dirait un grand animal et je me demande jusqu’où les parois de ce ventre
chaud la lumière à l’intérieur dedans moi, une forme de transparence…
un soleil est passé dans mon ventre à moi et me fait chanter m’illumine
je crois aveuglée tellement c’est bon comme un ronron les chats qui
caressent mes parois à moi toute soleil aveuglée


je veux dire la perte
je veux dire la perte

Dis je ne sais pas ce qui s’est arrêté le chant le soleil mais mon corps sur
le premier pont de l’autoroute à l’entrée de la ville
Perte, je te dis perte même si le corps retrouvé… perte je ne sais plus ce
corps par où il est passé l’animal disparu et ce corps sur le pont et je ne
sais plus entre ni où ni quoi oublié, plus rien, zéro souvenir, ces pavés
par cœur je connais saurais te dire : 3,4 km entre le garage et le pont de
l’autoroute… bon d’accord je soustrais du garage à la rue des parents
d’Adeline… le métro à partir du métro, rien plus rien zéro je me rappelle
sinon que c’était doux et que je me sentais comme chez moi à l’intérieur :
on dira 2,7 km ? 2,7 km comme un chant mais combien de temps ? pas
de montre les pieds comme repères seulement… la géographie oui ! 2,7
km… mais combien de temps ? pas le corps perdu, ami au contraire, c’est
la tête, la tête dans le chant à l’intérieur de l’animal… le corps ami qui
savait où j’allais / ici /et qui m’amène / jusque là / sur le pont de
l’autoroute et qui dit ça suffit et moi qui reviens de je ne sais où plus
aucun souvenir alors que je sais qu’entre il y a l’auto-école, les deux
boulangeries, la maison de vieux, le fleuriste, des banques, plus rien
aucun souvenir

la lumière
la lumière
la perte

Estelle Dumortier

Guillaume Dreidemie

Né à Lyon en 1993, Guillaume Dreidemie est poète et professeur de philosophie, directeur adjoint de l’établissement ICOF – Campus Saint Irénée, à Lyon 5e. Conférencier à l’Université Pour Tous, au Collège International de Philosophie et au Musée des Beaux-Arts de Lyon. Il collabore régulièrement avec la revue Matières à penser. Membre fondateur de la revue de poésie L’Écharde.

Son recueil de poésies, Le Matin des Pierres, est paru au printemps 2023 aux éditions La Rumeur libre. Parmi les thématiques qui lui sont chères et qui traversent ce recueil, on peut retenir : l’éternel retour, le murmure, les vertèbres, et tout ce qui de près ou de loin chantonne et entête, comme un refrain.

Deux ouvrages à paraître fin 2023 :

Ardeurs de l’idéalisme, éditions Cosmogne.

Penser le monde après Kant, éditions Kimé. 

Guillaume Dreidemie

Vertèbres

votre père

dont le regard bleu seul vous importe

dans ce putride dimanche

veille à longueur de jour.

*

que dites-vous

sans fin ni attendu

dans vos dernières secousses

que dites-vous ?

*

nous allons jouir d’une pure présence

comme un fromage d’Auvergne

abandonné sur la table

abandonné et frais ruisselant

*

nous luttons contre le silence

imbéciles que nous sommes

avec les moyens du bord de la rive et du ruisseau

trempés par les remous

nous sommes des noyés accomplis

nous avons toute la grâce du chien trempé

nous avons même l’odeur

*

dans la rue les gens nous confondent avec les chiens

pourtant nous avons de très beaux manteaux

*

on ramasse des vertèbres dans la forêt

et il se trouve qu’on rêve

c’est un chat mort c’est le chat

qui roulait aux pieds de Baudelaire

Charles notre ami

c’est grâce à lui que nous nous rencontrons

ce sont les restes de son repas peut-être

*

pourquoi ramasser dans la forêt les restes d’un chat

si ce n’est pour convaincre que nous avons toutes

nos vertèbres

*

je surprenais un ami

qui comptait silencieux

les pièces de son jeu

il n’en manquait pas

tous les os étaient là

*

j’entends l’ami compter

lentement ses vertèbres

il s’assure que son dos est solide

encore vivant

*

à la plus intime mais nécessaire révolte

crever   ce qui nous ronge d’un coup de dent

sec?

*

ou recueillir plus

silencieusement

une à une

ces branches qui pourraient fleurir comme

la Reine porte

en sa bouche

ce qu’elle doit sauver de notre apocalypse

Pascal Commère

Pascal Commère est né en 1951 dans un village de Côte d’Or. Il a 6 ans lorsque son père, jockey de province, se tue à l’entraînement. Premiers poèmes à l’âge de dix onze ans. Puis bientôt tiraillé entre l’amour des chevaux et celui de cet « autre chose » qu’il croit être la poésie. Un temps apprenti-jockey. Déception. Les chevaux tant aimés resteront dans les livres. On le dirige alors vers le métier des chiffres dont il découvre la rigueur, qui n’est pas sans faire penser à celle que réclame l’écriture du poème. Sa vie désormais s’inscrira entre ces deux pôles, au point de les faire se côtoyer au quotidien. Au début des années quatre-vingt il se réinstalle dans son village, ce qui ne l’empêche pas de temps à autre de porter ses pas et son regard ailleurs : Laponie, Grèce, Europe de l’Est, Islande, Mongolie, Anatolie, etc. De retour dans ses terres, il retrouve son travail d’attaché à un cabinet d’expertise comptable, visitant inlassablement paysans, viticulteurs et artisans ruraux. Parallèlement, il se rend dans les classes et les bibliothèques où on l’invite régulièrement. L’alternance des situations et des savoirs le stimule. La parution des Commis, en 1981, son premier vrai livre de poèmes, lui vaut de faire la connaissance d’André Frénaud, son voisin à la campagne. Rencontre décisive, comme l’a été auparavant celle de Thierry Bouchard auprès de qui il découvre la typographie et ce qu’est un livre d’artiste. Il en fera un certain nombre, nouant de solides amitiés avec des peintres et des graveurs. Proche de maintes revues, il y publie tout un temps, y compris dans les plus prestigieuses : La NRF, Europe, Po&sie, Théodore Balmoral, L’animal, etc. Fondée en 1978 avec Bécousse, Cailliès, Schaettel, Wellens, la revue NOAH, revue de jeunesse, arrive bientôt à son terme. Peu après il rejoint le comité de rédaction du che-Laurier, puis de Secousse, toutes deux publiées sous l’égide des Éditions Obsidiane où paraîtront dès lors ses poèmes ; ses livres de prose bénéficiant des soins du Temps qu’il fait. Depuis quelque temps il dessine… 

Pascal Commère

Bibliographie (hors livres d’artiste) :

L’empreinte de ton ombre, Éditions Chambelland, 1976.

Clous, Grand Prix de Poésie Printemps du Vendômois,  L’Arbre de Lumière, 1978.

Initiales du temps, Prix FroissartCahiers Froissart, 1978.

Le Liseur d’arbre, Prix Jeune Poésie François Villon,  José Millas-Martin Éditeur, 1979.

Ici. « L’Arbre », Jean Le Mauve, 1979.

Les commis, Éditions Folle Avoine, 1982 ; Réédition Le temps qu’il fait, 2007.

Jardins tout au fond du jaune les yeux, Thierry Bouchard, 1985.

Fenêtres la nuit vient, Bois gravés de Petr Herel, Éditions Folle Avoine, 1987.

Chevaux, Roman, Bourse de la Fondation Del Duca, Denoël, 1987. Réédition Le temps qu’il fait, 2023.

La vache automatique, Fantaisie, Le dé bleu, 1989.  

Dijon, Champ Vallon, « Des villes », 1989.

Ode à l’absence (encore) et à l’herbe du soir, Eau-forte de Patrice Corbin, Hautécriture, 1990.

Sales mouches, Eau-forte de Patrick Le Coq, Atelier d’Art Rougier, 1994.

Lointaine approche des troupeaux à vélo vers le soir, Éditions Folle Avoine, 1995.

Solitude des plantes, Histoires, Le temps qu’il fait, 1996.

D’une lettre déchirée, en septembre, Éditions Tarabuste, 1996.

Pas folle, la vache, Éditions Tarabuste, 1996 (réédité 2001).

De l’humilité du monde chez les bousiers, Obsidiane, 1996 (Prix des Découvreurs 1998).

La Vache (choix et présentation), Co-édition Le Muséum national d’histoire naturelle – Favre, « Le Bestiaire divin », 1998.

Le grand tournant, Récits, Le temps qu’il fait, 1998.

Vessies, lanternes, autres bêtes cornues, Obsidiane, 2000.

Honneur au fantassin G., conscrit en Meuse, Le dé bleu, 2000.

La grand’soif d’André Frénaud, Salutation, Le temps qu’il fait, 2001.

Bouchères, Obsidiane, 2003 (Prix Roger Kowalski – Ville de Lyon).

Aller d’amont, Éditions Virgile, « Suite de sites », 2004.

D’un pays pâle et sombre, Autres salutations, Le temps qu’il fait, 2004.

Le vélo de saint Paul, Histoires, Le temps qu’il fait, 2005.

Prévision de passage d’un dix cors au lieu-dit Goulet du Maquis, Obsidiane, 2006.

Jockey ! Gouaches de Ricardo Mosner, Atelier Rougier. V., 2006.

Maurice, in Les oiseaux de Sens, Photographies d’Emmanuel Berry, Le temps qu’il fait, 2007.

Rubrique terre, Contre-allées, « Poètes au potager », 2007.

Graminées, un cahier perdu puis retrouvé, Le temps qu’il fait, 2007. Seize de ces poèmes traduits en tchèque par ailleurs par Ales Pohorsky.

Les larmes de Spinoza, Histoires, Le temps qu’il fait, 2009.

Petit Soleil, Prose, Circa 1924, 2009.

Noël hiver, Histoires, Le temps qu’il fait, 2010.

Le petit cheval d’Ostrava. Prose. Le temps qu’il fait, 2011.

Tashuur. Un anneau de poussière, Obsidiane, 2012.

Mémoire, ce qui demeure, Éditions Tarabuste, 2012.

Des laines qui éclairent. Une anthologie 1978-2009, Obsidiane/Le temps qu’il fait, 2012.

Petr Král, Présentation et choix des textes, Éditions des Vanneaux, « Présence de la poésie », 2014.

Lieuse, Histoires, Le temps qu’il fait, 2016.

Aumailles. Anthologie. Les Découvreurs, 2016.

Territoire du coyote, Éditions Tarabuste, 2017.

Pascal Commère, Présentation et choix des textes d’Amandine Marembert, Éditions des Vanneaux, « Présence de la poésie », 2018.

Ainsi parle le mur, roman, Le temps qu’il fait, 2022.

Verger, etc., illustrations de Joël Leick, Fata Morgana, 2022.

Extraits choisis :

Éoliennes sur champs de neige

Les oiseaux reviennent. Grandes ailes au loin

brassant l’air sans relâche, tournant, que seul signale

l’ampoule rouge du phare tout en haut qui clignote, jette

autour sur le ciel l’éclat d’un vin clairet qui ne tache pas au sol

la neige amoncelée.

                                Fantômes à peine réels,

vigiles postés là aux confins, sans bruits ni heurts,

pas même quelque attache en ce monde, hormis un pied

hideux qui les scelle à la terre et dont l’œil se déprend, dès lors

que le regard prenant de la hauteur s’éloigne,

                                                                      cherche l’ombre

où dans le jour qui baisse sur l’immensité enneigée

les ailes tournent et tournent, imperturbables

dans la lumière crue, sans prise sur l’hiver.

Éternels étourneaux

1

Jetée de plombs dans le ciel sombre, le monde

presque éteint en dessous. L’attroupement

en vol tout soudain s’éploie, flammèches

de cendres,

                   de quel feu mordorées

jaillies on ne sait d’où, la nuée

disparaît aussitôt qu’apparue. Noire, reparaissant,

magie de l’ombre en lumière basse, le ciel

moucheté, imperturbable, s’emplit, rassemblé

en un crépitement muet – murmure qu’en son dire

langue humaine se déploie. Livré à l’ombre
l’essaim s’amplifie, milliers d’ailes deux

à deux emportées par le souffle

touche à touche, sans qu’aucune

heurte une autre, ni ne cesse de battre

un seul instant, à peine. À peine si le vent

influe sur le mouvement, nasse d’air

d’où chaque point en un vertige unique 

s’ouvre à la nuit qui vient, sans rien perdre du fil

qui le relie aux autres, semblables dont le vol,

ne laissant rien paraître, rapproche les lointains.

2

Un par un tous ensemble, mailles chacune en soi

d’un filet déployé dans le vide, ô vertige vu d’en bas

d’une soie envolée de l’épaule de quel dieu

en visite sur la terre, enroulée, assombrie

déroulée en ses plis et replis, déliés

mouvements qu’à se défaire on fait, se font et se refont,

nuages virevoltant qu’un vent immatériel

fixe d’une encre noire,

                                    avalant la figure,

l’étirant, outre ou signe, l’empoignant, grains de sable

arrachés à la terre, pleine matière de vol en

envol ne sachant

                            rien de notre ignorance

quant au pourquoi de cela et

si cela fait sens en quelque langue apprise ;

pas plus que de raison s’il y a, de l’appel

au soir que messagers s’emploient à signifier

au-delà des contraintes propres au choix du camp –

consignes sécuritaires, intendance, chacun tenu en soi

à l’ombre de soi-même, lié

au mouvement d’une poche qui s’ouvre

et ferme son goulet, virant, changeant de bord, plongeant,

avant que de gagner tout en haut l’ombre obscure

dont ils sont à la fois tous ensemble

et chacun, feu et cendres.

3

S’appliquant à être, sans être davantage

qu’un point dans le ciel vide, assujetti à tous

sans qu’un fil les relie hormis boussole interne,

sextant, battements d’ailes ou quelque machinerie

les projette uns et autres parmi tous, rassemblés

au point de figurer, alors que le jour baisse

et que tardent les signes, une flamme assombrie

plongeant et remontant au gré de l’air, coulée

dans le gris s’y mêlant, sans que rien

ne commande,

                         sinon

loi de l’ensemble, ou crainte mal

nommée. Si ce n’est jeu, qui sait ? Joie

d’être avant la nuit, un parmi tous chacun

partie vivante en vol du sommeil de la terre.

(Extrait de Territoire du coyote, Ed. Tarabuste, 2017)