Dans son dernier recueil, l’écorce terrestre, Jean-Pierre Chambon nous donne une perception de son monde poétique. Le recueil est divisé en huit chapitres qui vont du vers libre à la prose poétique. Il nous ouvre les portes de son imaginaire avec une langue d’une fluidité qui donne une tonalité spirituelle à sa poésie.
Qu’y a-t-il au-delà et en deçà de l’écorce terrestre ? Comment pouvons-nous percevoir le monde avec les limites et les failles de notre corps humain ?
C’est par une sensation physique que Jean-Pierre Chambon nous fait sentir autant que voir. La vision est alimentée de reflets de lumière aussi aveuglante que des miroirs reflétant des états intérieurs
Comme dans la divine comédie de Dante, l’enfer s’enfonce sous l’écorce terrestre. L’enfer pour Jean-Pierre est la lumière aveuglante parfois angoissante, vaguement inquiétante : Méduse phosphorescente comme frisson gélifié, hologramme de l’effroi.
Le recueil foisonne d’images dans un même mouvement d’interpénétration. L’univers des tournesols est le miroir actif des métamorphoses silencieuses et secrètes qui s’insinuent à l’intérieur et à l’extérieur dans les fluctuations invisibles de la matière.
C’est par la poésie que le voyage introspectif sonde les voies et les issues possibles. Dans le paysage dévasté de L’écorce terrestre l’œil photographe ne croise que des ombres dont ne subsistent que des traces fantomatiques, des taches aveugles.
Quel que soit l’univers que le poète approche : la lumière, la cendre, l’écume, la méduse, les tournesols, l’écorce terrestre et la poussière, le silence, et quelle que soit la forme que prend le poème, le regard est au centre qui suscite le questionnement : Je vois, je vois. Qu’est-ce que tu vois ?
Qu’est-ce que
Voir encore
Quand toutes les choses
Ont été dépouillées
De leur vêtement
de lumière…
Parfois le contexte est voilé, tourbillonnant, phosphorescent. La matière poétique est celle des nuages, de contours flous, fluctuants en fonction des mouvements de la lumière et de l’eau, des tourbillons de lucioles ou de grains de sable, de cristaux et de sel. Mais aussi du grain de silence. Et l’on assiste avec émerveillement à un enchâssement de questions toujours renouvelées.
Pour chaque repère perdu, dans l’angoisse d’un univers gagné par l’effacement et la déliquescence, dont les formes peuvent changer jusqu’au vertige, demeure un mystère préservé, une autre clarté qu’a su préserver le poème, au-delà du perceptible :
je secoue une
branche
dans l’invisible
à travers les fibres de l’air
les scintillements du rien
dans le bois brisé
tressaillent les feuilles à venir.
Ce n’est pas sans affronter la douleur, ni la solitude à laquelle est confronté tout poète pour traduire ce monde sous l’écorce terrestre
Michel Bret